Interview de Jérémie Guez (31/03/2013)
Polars Pourpres : Tout d'abord, peut-on savoir qui est vraiment Jérémie Guez ?
Jérémie Guez : C’est compliqué comme question…un type qui aime bien raconter des histoires, c’est ce que je dis à chaque fois, et c’est déjà pas mal.
PP : Pourquoi avoir choisi le polar ?
JG : Parce que j’étais personnellement un gros lecteur de polar. J’ai toujours bien aimé le concept de genre, que ce soit en littérature ou au cinéma, de traiter de thèmes très minimalistes, pour ensuite élargir au fil de l’intrigue. J’avais envie de me tester sur ce modèle-là.
PP : Si tu devais choisir un autre genre, lequel choisirais-tu ?
JG : Bonne question, je n’en ai aucune idée. Pour le coup je me vois plus écrire de la littérature blanche, que de la science fiction ou de la fantasy. Je ne me sentirai pas légitime à le faire. Peut-être qu’à un moment j’aurai envie, mais comme je n’y connais rien, je me vois mal y venir.
PP : Tes romans peuvent se lire indépendamment mais appartiennent à une trilogie parisienne : pourquoi ce choix ?
JG : Ils sont effectivement indépendants mais en même temps il y a des destins qui s’effleurent au fil des pages. Je n’avais pas envie de faire un seul gros roman, j’avais envie d’être assez libre dans ce que j’allais raconter. C’est une vraie liberté d’avoir pu raconter ces histoires qui sont très sombres et de les avoir assumées jusqu’au bout. C'est-à-dire de faire des bouquins très courts avec des personnages plutôt spéciaux, et en même temps, ce sont des trajectoires, les personnages sont des sortes de faux jumeaux.Ils ont un peu les mêmes situations, mais ne font pas les mêmes choix, et pourtant ils en arrivent presque au même résultat. Je trouvais ça intéressant de mettre tout ça en parallèle plutôt que de faire un seul livre.
PP : Puisque l’on parle de tes personnages, est-ce que tu penses réutiliser par exemple Abraham (le personnage principal de Paris la nuit), dans un autre texte ?
JG : Non, je ne le réutiliserai jamais.
PP : Concernant Balancé dans les cordes, pourquoi avoir choisi la boxe plutôt qu’un autre sport ?
JG : J’ai toujours été très attaché à l’imaginaire de la boxe, au cinéma, dans les films américains des années 1950, dans les films noirs, je pense par exemple à Nous avons gagné ce soir de Robert Wise ou à des films comme ça. Et je pense vraiment qu’il n’y a pas de films ou livres sur la boxe. Il y a des films ou livres sur les boxeurs et donc c’est très typique. Au-delà de l’imaginaire, il y a ce que ça dit sur les personnages qui est la pratique, ce côté un peu perdant magnifique, de types un peu abîmés par la vie, sans doute très paradoxalement trop gentils et trop tendres avec leur entourage, qui finissent par se cramer les ailes et se casser la gueule. Et ça m’intéressait sur ce que ça disait sur le personnage, plutôt que de passer deux cents pages à le décrire. Déjà cela, je trouve que dans la tête du lecteur, ça déclenche tout un tas de choses.
PP : Tes deux premiers romans sont écrits à la première personne, pourquoi ?
JG : J’avais envie d’abolir un peu de distance, sachant que j’avais fait le choix de romans assez sombres, assez violents. Je ne voulais pas donner le confort de la troisième personne, le côté « je suis spectateur et j’ai de l’empathie ou pas, je vois avec beaucoup de recul les actes commis ». Là je voulais vraiment qu’il y ait une sorte d’immersion du lecteur. Je ne sais pas si ça fonctionne ou pas, mais en tout cas je pense que c’était important dans la place accordée à la violence et dans le traitement sérieux que je fais de la violence. Il n’y a pas dix-mille morts, ce n’est pas une hécatombe, mais du coup il y a quand-même quelque chose de vraiment éprouvant psychologiquement. Je pense qu’on garde un lien fort grâce à la première personne.
PP : Petite question peut-être un peu difficile : si tu devais écrire un polar à quatre mains, avec qui aimerais-tu le faire ?
JG : Ce n’est pas du tout difficile : avec Aurélien Molas.
PP : Quel est le dernier livre qui t’ait mis KO ?
JG : Ce n’est pas évident…J’ai lu Sale temps pour les braves de Don Carpenter qui vient de sortir chez 10/18. Pour être honnête je ne l’ai pas encore fini mais je suis déjà un peu vacillant. C’est un très beau livre, je crois qu’il est sorti la même année que De Sang froid (de Truman Capote), c’est ce que me racontait l’éditeur du livre. C’est entre un roman noir très classique, un roman de prison, et en même temps une errance dans les grands espaces, qui rappelle un peu Sur la Route (de Jack Kerouac). C’est un mélange de plein de choses et ça ne ressemble à rien d’autre. C’est un très beau livre, hyper âpre mais chouette.
PP : As-tu un film ou une série tv à nous conseiller ?
JG : Je ne regarde pas de séries, donc je ne pourrais pas en conseiller. Il y a beaucoup de films que je pourrais citer…La Horde Sauvage de Sam Peckinpah.
PP : La prochaine série de questions sera composée de deux choix. Tu es plutôt Lyon le jour ou Paris la nuit ?
JG : Paris la nuit, évidemment.
PP : Pour écrire tes romans, plutôt stylo ou clavier ?
JG : Les deux.
PP : Pour un bon polar, plutôt Paris centre ou la banlieue ?
JG : Ni l’un ni l’autre, il n’y a pas d’automatisme avec un lieu. Faut voir avec les personnages et l’histoire. Ce n’est pas parce qu’il y a un côté criminogène en banlieue que ça va faire une bonne histoire. Ça a un côté casse gueule parce que c’est vu et revu. Ça dépend.
PP : Plutôt lecture ou télévision ?
JG : Les deux. Je ne regarde pas la télé, je regarde des films. Donc plutôt lecture quand-même, si dans télé on englobe toutes les émissions à la con qui passent et que je ne regarde jamais.
PP : Million Dollar Baby ou Rocky ?
JG : Rocky. Même si j’aime bien Million Dollar Baby, mais c’est dur de dire non à Rocky.
PP : Sherlock Holmes (personnage créé par Arthur Conan Doyle) ou Jean-Baptiste Adamsberg (personnage récurrent de Fred Vargas) ?
JG : Sherlock Holmes.
PP : Facebook ou Twitter ?
JG : Je ne sais pas, c’est différent, les deux ne sont pas pour la même chose. Sur Twitter, il y a un côté très instantané. En même temps je n’y connais rien, je suis sur les deux sans y être vraiment, donc je ne suis pas très légitime pour parler. Ni l’un ni l’autre.
PP : Puisque cette interview est réalisée le dimanche de Pâques, tu es plutôt Kinder Surprise ou Ferrero Rocher ?
JG : Kinder Surprise. Ferrero Rocher il n’y a rien dedans à part une noisette.
PP : Le mot de la fin ?
JG : Merci beaucoup pour cette interview, et à bientôt.
Polars Pourpres - 2013