El Marco Modérateur

3260 votes

  • Une affaire flamande

    Geneviève Reumaux

    6/10 Mildrède est une jeune assistante sociale qui officie dans le nord de la France. Son quotidien : aider les personnes en difficulté. Entre les femmes battues, les paysans aux revenus modestes et autres foyers d’agriculteurs meurtris par les accidents de la vie, elle n’a pas le temps de chômer. Aussi, dévouée et appréciée comme elle est, Mildrède comprend d’autant moins qu’un inconnu essaie de pénétrer à son domicile de nuit. Un ennemi, elle qui n’en a pas ? Le commissaire Luigi Pedri se porte à son secours.

    Premier roman de Geneviève Reumaux, cette Affaire flamande est un récit dense et court, d’à peine cent-trente pages. Le lecteur est immédiatement pris par l’ambiance décrite, où le social et la peinture des mœurs occupent une place prépondérante. L’écrivaine connaît bien les lieux et l’histoire de la région décrite, ainsi que la population paysanne. Les affres du métier agraire, les embarras financiers, les ménages soumis aux rendements de la terre, tous ces éléments sont rendus avec beaucoup de crédibilité et de tact, et contribuent à rendre l’ensemble de l’ouvrage à la fois prenant et original. Du coup, l’intrigue en passerait presque au second plan, avec si peu de personnages mis en scène qu’il en devient presque aisé de deviner quel est le tourmenteur de Mildrède. Néanmoins, l’impact humain de cet opus demeure, avec un singulier et succinct portrait du milieu rural.

    Si l’on attendait de la part de Geneviève Reumaux un roman purement policier, cette Affaire flamande décevra certainement en raison de la concision et la modestie du scénario. En revanche, si l’on souhaite entreprendre un ouvrage à la fois simple et facile à lire ayant comme toile de fond le milieu paysan, il permet de passer un agréable moment, sans pour autant marquer les esprits.

    09/03/2013 à 11:51

  • Une Assemblée de chacals

    S. Craig Zahler

    9/10 1888, dans le Montana. Le dénommé Jim va se marier. Ce que tout le monde ignore, c’est qu’il a été, dans une vie antérieure, membre d’une bande de criminels appelés le « Gang du grand boxeur ». Les trois autres anciens acolytes sont d’ailleurs invités à participer à cette grande fête. Mais un télégramme a informé Jim qu’il va y avoir un autre invité à la célébration. Un spectre issu de leur passé commun. Et qui va les obliger à déterrer leurs armes et faire parler la poudre.

    Voilà un western que l’on n’est pas près d’oublier. Craig S. Zahler livre un ouvrage d’une puissance et d’une férocité inégalées. Le prologue met d’ailleurs immédiatement dans l’ambiance, ou comment les jumeaux en viennent à avoir un échange pour le moins musclé avec un couple, avant que n’arrive la silhouette inquiétante de leur mentor. Car ce livre est saturé de démons devenus hommes. Nous avons bien entendu ces deux frères, dont l’un a perdu l’usage de la parole lors d’un événement atroce, mais également Quinlan, le chef de meute, victime d’Indiens et dont le physique est hallucinant et ce Français qui, sous ses atours agréables, dissimule un pervers de la mutilation. Dans le même temps, nos quatre cowboys (Jim, Oswell, Godfrey et Dick) sont remarquables, en anciens monstres ayant réussi à se débarrasser de leurs obsessions criminelles pour devenir d’honnêtes citoyens. Comme pour les personnages du film Impitoyable de Clint Eastwood, se posent de bien intéressantes et pertinentes questions quant à l’innocence et la culpabilité, la prescription et le rachat, la rédemption et la déchéance. Craig S. Zahler, avec son écriture fascinante, nous offre également des scènes d’anthologie, comme la séquestration de la population dans l’église, la scène de torture de Dicky, ou le sort de Quinlan lorsqu’il a été le jouet des Indiens Appanuqis.

    Un rythme trépidant pour ce western magistral, remarquable d’humanité et de sauvagerie. Une vision à la fois brulante et glaçante du Far West, peuplée de personnages en proie aux pires contradictions. Avec de telles qualités émotionnelles et visuelles, on se demande même pourquoi ce livre n’a pas encore été adapté sur grand écran. En attendant, on ne pourra que se ruer sur les autres romans de l’auteur, à savoir Les Spectres de la terre brisée et Exécutions à Victory.

    18/05/2020 à 18:16 9

  • Une Bonne Raison de mourir

    Arthur Caché

    8/10 Beryl Schaeffer, policière à la Crim’, n’a pas eu la possibilité de prendre l’appel téléphonique de Pavel Novak, un ancien géologue. Quand la policière se rend au domicile de ce dernier, il a déjà disparu. Cet ancien ami du père de Beryl, assassiné en raison de son ardent militantisme écologique, souhaitait la contacter à propos d’une information de la plus haute importance. Un secret incroyable et pour lequel on n’hésite pas à tuer, qui va mener la jeune femme en Turquie.

    Après Le Cercle des hellébores noirs, Arthur Caché nous revient avec ce thriller très inspiré et efficace. On est séduit d’entrée de jeu par le rythme du récit : les chapitres – très courts – s’enchaînent à merveille, les découvertes et les rebondissements aussi, et le style à la fois épuré et limpide de l’auteur s’impose en venant parachever cette fluidité narrative. Les personnages des enquêteurs séduisent également, de Beryl, policière solide et rigoureuse, encore hantée par l’assassinat de son père et meurtrie par d’étranges brûlures sur le corps, à Rudy Ferey, son adjoint, solide boxeur prêt à toutes les bravoures pour s’acquitter d’une ancienne dette morale, en passant par Ara Cenzig, ancien flic turc à l’allure de « cowboy aux yeux bleus ». Le sinistre complot est très réussi, à la fois original et crédible, et même les lecteurs les plus chevronnés voire blasés ne pourront que reconnaître sa singularité. Certes, les derniers chapitres cèdent parfois à quelques facilités, mais on ne peut être qu’enchanté par une telle maîtrise scénaristique.

    Une histoire atypique, une écriture survitaminée, un livre concis et sans le moindre temps mort : il n’en fallait pas plus pour qu’Arthur Caché s’invite avec aisance dans le club pourtant fermé des jeunes auteurs dont il nous tarde déjà d’avoir de leurs nouvelles.

    02/02/2024 à 06:57 4

  • Une brume si légère

    Sandrine Collette

    9/10 Une ambiance effrayante pour cette nouvelle particulièrement crédible, renvoyant à des interrogations très actuelles comme la misère, les marchands de sommeil et les milices. Une histoire d’amour en filigrane qui explose à la dernière page et trône au-dessus de ce récit définitivement réussi. Même si j’adore cette histoire, je suis plus réservé quant aux illustrations de Dominique Corbasson que je trouve bien trop légères puisqu’elle ne peint que très peu de décors, là où elle excelle habituellement selon moi.

    08/03/2015 à 18:31 1

  • Une Cathédrale à soi

    James Lee Burke

    8/10 Les familles Shondell et Balangie, toutes deux fort peu recommandables, voient un événement inattendu se produire : Johnny, rejeton de la première de ces deux dynasties, et Isolde, de la seconde, sont tombés amoureux. Malheureusement, la jeune femme est déjà promise à Mark, le sinistre oncle de Johnny, prédateur sexuel notoire. Dave Robicheaux et son comparse Clete Purcel vont s’immiscer dans cette sombre histoire tandis qu’apparaît un tueur aussi redoutable qu’énigmatique, qui prétend être « un révélateur » et avoir vécu plusieurs vies par le passé.

    Ce vingt-troisième tome de la série consacrée à Dave Robicheaux séduit immédiatement. James Lee Burke épingle l’attention du lecteur dès les premiers mots, les premiers échanges, les premières descriptions. L’auteur, chevronné et hautement talentueux, use de sa plume si spécifique pour décrire des ambiances délétères, signer des dialogues au cordeau, peindre des personnages ambigus, voire offrir une véritable texture littéraire à cette Louisiane qu’il chérit tant. Le récit est émaillé de nombreuses références à l’histoire ou à la géographie de l’Etat, ainsi que de multiples citations – le titre de l’ouvrage étant lui-même inspiré par un poème. On se passionne rapidement pour ce roman particulièrement noir où, comme le veut la règle, l’intérêt repose moins sur l’intrigue que sur tous les éléments connexes. Les divers protagonistes sont à cet égard remarquables, de Mark Shondell, sordide nabab aux desseins libidineux à peine muselés, à Gideon Richetti, cet assassin semblant avoir voyagé dans le temps et au physique de reptile. Dave Robicheaux, qui en est à dix-neuf mois de sevrage alcoolique, devra déployer des trésors de pugnacité autant que de tact pour venir à bout de cette enquête abjecte, et son fidèle compère Clete ne sera pas en reste, frôlant la mort de peu suspendu à un palan au-dessus des flammes, jouant du fusil de précision pour effaroucher des adversaires, ou démontrant toute l’ampleur de la violence dont il peut être capable sur un yacht en feu. Et il y a ces sortilèges sortis de la forte imagination de James Lee Burke, où nos héros continueront de voir défiler d’inquiétants pans de leurs passés respectifs tout en étant harcelés par des visions tenaces de terrifiants galions aux allures de vaisseaux fantômes.

    Une œuvre puissante et marquante, qui vaut tout autant pour les individus angoissants qui le peuplent que pour le style si brillant de l’auteur.

    29/06/2023 à 06:51 5

  • Une Confession

    John Wainwright

    9/10 John Duxbury est un citoyen tout ce qu’il y a de plus insoupçonnable. Marié, un enfant, il dirige une imprimerie. Une vie sans le moindre accroc, la respectabilité à l’état pur. En réalité, son couple bat de l’aile. Quand son épouse, Maude, chute du haut d’une falaise alors qu’ils sont tous les deux en vacances, l’accident apparaît évident. Sauf qu’un témoin, Raymond Foster, affirme avoir vu l’époux pousser sa femme. Alors, meurtre ou malheureuse glissade ? L’inspecteur Harry Harker enquête.

    De John Wainwright, on connaît déjà l’immense Bois de justice ainsi qu’A table !, adapté au cinéma sous le titre Garde à vue avec Michel Serrault et Lino Ventura, et dialogué par Michel Audiard. Ce roman, datant de 1984, a été encensé par Georges Simenon, et l’on comprend rapidement pourquoi le grand auteur l’avait tant apprécié. Une écriture remarquable, râclée jusqu’à l’os, simple sans jamais être simpliste. Des portraits particulièrement denses et humains, où les écarts, l’hypocrisie et les non-dits s’expriment parfois en quelques formules lapidaires bien senties. Et il y a ces portraits psychologiques, remarquables. Le policier Harker, boiteux, doué d’une immense mémoire, obstiné jusqu’à éclater en colères volcaniques. Maude, harpie aux allures de parfaite épouse lorsqu’elle se trouve en société. John, pauvre bougre parfois trop poli ou complaisant, même lorsque l’un de ses employés le vole. On apprend à saisir toutes les subtilités de ces personnages au gré d’un récit atypique, entre fractions du journal intime du mari et les points de vue des autres protagonistes, jusqu’à la révélation finale, qui est un pur joyau. On saisit à ce moment-là, avec encore plus d’acuité, pourquoi Georges Simenon a qualifié ce livre de « roman inoubliable ». Ce que Harker va dévoiler est d’une incroyable justesse, faisant jaillir le pus du furoncle marital. Quelques pages, pourtant d’une rare sécheresse stylistique, suffisent à divulguer l’ampleur de la tragédie sous-jacente. Un rebondissement, sans surenchère stérile ni effet de mauvais aloi, que l’on retrouve d’ailleurs dans certains des ouvrages du maître belge.

    Un opus magistral, dont l’efficacité est d’ailleurs inversement proportionnelle aux moyens mis en œuvre. Quelques individus, une intrigue de prime abord fluette, et pourtant, à l’arrivée, un grand moment de littérature noire et humaine. Tout simplement.

    03/05/2020 à 23:35 7

  • Une Descente dans le Maelstrom

    Edgar Allan Poe

    7/10 … ou comment le narrateur, flanqué d’un guide en haut d’un sommet se trouvant en Norvège, en bord de mer, se voit confier l’histoire survenue, trois ans plus tôt, à laquelle a échappé son guide : un incroyable naufrage, dû à un maelström, appelé localement le « Moskœ-Strom ». Un récit qui oscille entre deux genres narratifs : l’aventure vécue par le survivant, et son côté irréel, presque fantastique, avec notamment des descriptions tellement dantesques qu’elles penchent vers un surnaturel qui ne dit presque jamais son nom. J’ai adoré la manière dont Edgar Allan Poe décrit la monstruosité de ce phénomène naturel, avec force détails, presque de manière « clinique », comme on autopsie une dépouille. Dans le même temps, la furie des éléments est telle qu’elle a fait blanchir soudainement les cheveux du rescapé et modifié sa physionomie, preuve du sceau laissé sur lui et dans son âme ; même si je ne suis pas spécialement fan des récits d’aventures, je suis bien obligé de reconnaître que celui-ci, sous la forme d’une nouvelle, est très réussi.

    27/09/2020 à 18:22 1

  • Une Etude en rose

    Mark Gatiss, Jay, Steven Moffat

    7/10 Une relecture sympathique et enlevée de l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, qui correspond ici, plan pour plan, au téléfilm de la récente série télévisée. Pas mal d’humour, un Sherlock Holmes toujours aussi brillant, asocial et délirant, et la liaison amicale naissante entre lui et le docteur Watson. Une sombre et impénétrable histoire de suicides par empoisonnement qui ne résistera pas à la sagacité du célèbre locataire de Baker Street. Un régal pour les fans de la série, peut-être un peu moins pour les autres, tandis qu’à la fin de cet opus naît l’ombre inquiétante du terrible ennemi de Sherlock, à savoir Moriarty.

    21/01/2018 à 18:17 1

  • Une Etude en rouge

    Arthur Conan Doyle

    8/10 Dans la dernière partie du dix-neuvième siècle, à peine revenu d’Afghanistan où il a été sévèrement blessé, le docteur Watson devient le colocataire de Sherlock Holmes, détective œuvrant à compte privé et doué d’une immense capacité d’analyse et de déduction. Ce dernier est alors sollicité par Scotland Yard pour résoudre l’énigme du meurtre d’Enoch Drebber. Il faudra à Sherlock Holmes tout son talent pour démêler cette affaire dont les racines plongent bien des années auparavant en Utah, auprès de tueurs affiliés à une église mormone.

    Une étude en rouge constitue la première affaire résolue par Sherlock Holmes, le célèbre personnage littéraire ayant fait la renommée d’Arthur Conan Doyle, et c’est toujours avec grand plaisir que l’on peut lire voire relire ce roman. Les personnages sont attachants et singuliers, particulièrement Sherlock Holmes et son fidèle compagnon le docteur Watson. L’écriture, quoique ancienne de plus d’un siècle, est très agréable, sachant tout aussi bien décrire les détails des lieux où ont été perpétrés des crimes, la psychologie des personnages que les paysages sauvages d’Amérique. L’intrigue, même si elle n’est pas l’une des meilleures du cycle, n’en est pas moins bonne et intelligemment menée, avec une très nette rupture entre les deux parties, la seconde explicitant les raisons du double assassinat commis dans la première.

    Au final, Une étude en rouge est un ouvrage policier à découvrir et à redécouvrir, posant le premier jalon des enquêtes d’un des détectives les plus connus dans le monde entier.

    11/08/2008 à 18:35

  • Une Femme de ménage

    Jérémy Bouquin

    8/10 Si vous demandez à Sandra quel est son métier, elle vous répondra « femme de ménage ». Sauf qu’elle s’est spécialisée dans une branche très particulière de l’hygiène : les scènes de crime. Un cadavre à faire disparaître ? Une pièce à nettoyer de son sang ? Pas de problème : contre plusieurs milliers d’euros, elle peut s’en charger. Mais dernièrement, plus rien ne va : un mafieux qui apparaît, un tueur en série adepte du vampirisme et de l’art, un amant dont l’épouse devient hargneuse…

    Jérémy Bouquin livre ici un roman à suspense qui démarre sur les chapeaux de roues. On est immédiatement séduit par l’écriture et le style : plume sèche, phrases hachées, et les pages défilent à toute allure. Sandra, en agent d’entretien post-carnage, s’illustre également. Jeune et plutôt jolie, elle tente de vivre son idylle avec Roman, boulanger, tandis qu’elle continue de dessiner, dans la ferme qu’elle occupe, des croquis représentant des monstres impossibles qu’elle destine à la littérature jeunesse mais dont aucun éditeur ne veut. Elle travaille comme un forçat, engrange de l’argent, et son binôme avec Greg, un avocat qui lui dégote des contrats juteux – et sanglants – continue de prospérer. Mais les nuages s’amoncellent, avec ce serial killer adepte du bondage, des mises en scène baroques et des prélèvements sanguins à forte dose, sans même parler de ces inconnus qui se mettent à la suivre ou de ces roses qu’elle découvre chez elle. Les quelque deux-cents pages sont tout bonnement avalées et, même si le dernier tiers a un peu tendance à s’effilocher entre les diverses histoires, il faut garder à l’esprit que Jérémy Bouquin dresse avant tout le portrait d’une femme nettoyeuse et côtoyant la pègre et les prédateurs de la pire espèce avant de… non, nous vous laissons le découvrir.

    Un très bon ouvrage, concis et percutant, qui inaugure la série Les Errants de la plus belle des manières : avec talent et efficacité.

    05/02/2024 à 07:01 2

  • Une Fête mortelle

    R. L. Stine

    7/10 Luc Hargrove a comme ami Cory Duckworth, un gamin à qui la chance sourit en permanence. Luc rêve de participer à une série d’épreuves sportives dans un camp d’entraînement mais la poisse semble s’acharner sur lui, à l’inverse de Cory qui excelle dans tous les domaines. Un jour, Luc reçoit un porte-bonheur dans un paquet anonyme, une patte de vautour. Si le talisman semble efficace dans un premier temps, ce sont ensuite des cauchemars et des hallucinations qui l’assaillent. C’est ce thème de la chance et de la malchance qui m’a poussé à lire cet opus de la série « Chair de poule », et j’ai eu le plaisir – attendu – de retrouver les ingrédients habituels de l’écrivain R. L. Stine : scénario qui intrigue, chapitres véloces, écriture sèche et expéditive, et une ambiance et un suspense de bonne tenue. Des rebondissements, chance et poisse alternant au gré du récit, tant pour Luc que pour Cory, avec un twist final bien trouvé. Dans la mesure où les lecteurs – jeunes, nécessairement – auxquels se destine cet opus ne sauront qu’à l’ultime page les finalités de ces grigris, il y a fort à parier que ceux qui étaient déjà fans de cet écrivain passeront un très bon moment d’une lecture addictive, et les autres découvriront une collection fort prenante.

    13/05/2021 à 17:08

  • Une fille comme les autres

    Jack Ketchum

    9/10 Années 1950. Le jeune David s’amuse à pêcher des écrevisses lorsqu’il fait la connaissance de Meg. Elle et sa sœur Susan, gravement blessée suite à un accident, vivent désormais chez Ruth et ses fils. Puisqu'ils s’entendent bien avec David, ce dernier y voit un agréable moyen de retrouver plus souvent cette belle jeune fille. Mais il ne se doute pas encore que, dans cette maison voisine de la sienne, l’horreur ne fait que commencer.

    Il existe des romans qui révulsent, d’autres qui marquent. Celui-ci synthétise ces deux sentiments extrêmes. D’ailleurs, la préface de Stephen King est en cela d’une remarquable lucidité. Car, pour les deux sœurs comme pour le lecteur, aucune torture, physique ou morale, ne sera épargnée. Des simples vexations aux pires humiliations en passant par les perversités de la chair et le viol, c’est une incroyable plongée dans les ténèbres de l’âme humaine dans laquelle Jack Ketchum nous envoie. Pas de garde-fou, de détour ni de circonvolution : c’est du brutal, du barbare, de l’extrême. Pourtant, et c’est bien l’un des points les plus sidérants de l’ouvrage, cette sauvagerie n’éclate pas dès les premières pages. Elle s’installe, graduellement et sûrement, tel un venin, un parasite, un prédateur. Par paliers successifs où s’échelonnent lentement l’innommable et la terreur, les plus immondes dérèglements moraux apparaissent, un peu comme cette métaphore de la grenouille que l’on ébouillante progressivement jusqu’à lui faire atteindre une température mortelle. Il n’y a, dans l’écriture de Jack Ketchum, aucune forme d’artifice littéraire ou de fard : si sa plume est élégante, elle est surtout impressionnante de maîtrise lorsqu’il s’agit de décrire ce terrible maelstrom qui entraîne les individus loin des flots en apparence si calmes et anodins. D’ailleurs, David est en soi un personnage qui restera dans les esprits : quoique fort et bien éduqué, il sera entraîné dans les limbes, d’abord en tant que spectateur dépassé par sa propre épouvante puis comme individu à la lisière de l’âge adulte qui n’aura pas su à temps prendre les bonnes décisions.

    Au-delà de la puissante force de percussion littéraire que représente ce brûlot, il faut aussi envisager ce roman d’une indicible noirceur comme une piqûre de rappel, puisque cette histoire s’inspire d’un fait divers. Pour que jamais ne se reproduisent, indépendamment des lieux et des époques, de telles tragédies. Pour savoir affronter le Mal lorsqu’il se présente à nous et nous oblige à prendre position. Parce que cette fille comme les autres pourrait, un jour ou l’autre, au même titre que chacun des protagonistes de cette histoire écrite de soufre, être l’un d’entre nous.

    27/01/2015 à 18:46 5

  • Une incroyable histoire

    William Irish

    8/10 Une nouvelle policière très intéressante, originale et au suspense savamment dosé, qui n'est pas sans rappeler « Fenêtre sur cour », ce film étant lui-même issu d'une nouvelle de William Irish.

    19/01/2011 à 13:08

  • Une nouvelle amie

    Ruth Rendell

    5/10 … ou comment Christine et David, mariés chacun de leur côté, en viennent à nouer une idylle adultérine, avant que David ne se résolve à avouer à sa nouvelle compagne une inclination singulière : se grimer (avec talent) en femme. Une nouvelle curieuse, assez agréable à lire et fort courte, où plane une curieuse ambiance, presque badine et insouciante, et à la chute, étrange paradoxe, à la fois téléphonée par un geste précédent de la jeune femme, et en même temps inattendue. En fait, ce qui m’a dérangé au final, c’est que cette chute m’a semblé arriver comme un cheveu sur la soupe, voire comme une grosse perruque au beau milieu du potage. Et c’est ce choix scénaristique de feue Ruth Rendell, à la fois brusque et très saugrenu du point de vue psychologique (malgré une ébauche de justification au début du texte) qui m’a profondément déçu.

    17/07/2020 à 22:59

  • Une Odyssée sicilienne

    Luca Blengino, Pasquale Del Vecchio

    4/10 Printemps 1943. Les Américains s’apprêtent à envahir l’Italie en passant par la Sicile. Ayant échappé à un peloton d’exécution grâce à des bombardements, Ettore est recruté par le Vatican : si Pie XII est mort, une mallette qu’il comptait donner aux autorités s’est échouée en mer suite au mitraillage de l’avion qui convoyait ces précieux documents. Un graphisme moyennement séduisant, parfois un peu grossier, vieilli prématurément on pourrait presque dire, un scénario très abracadabrant, et ce qui devait constituer le bouquet final, à savoir le contenu exact de cette encyclique du pape, a autant d’impact que l’atterrissage d’une mouche sur le museau d’un lapin nain. Bref, un opus particulièrement décevant.

    24/03/2021 à 16:46 1

  • Une petite ville tranquille

    Eric Elfman

    6/10 Une bonne histoire, un peu moins fantastique (au sens littéraire du terme) que d’autres ouvrages de la série, mais assez glauque et prenante.

    11/05/2014 à 19:39

  • Une Pluie sans fin

    Michael Farris Smith

    8/10 La Limite. Une frontière artificielle et très approximative, dessinée au Sud des Etats-Unis, au-delà de laquelle on ne trouve que pluies diluviennes, ouragans et dévastations. Un no man’s land où les lois humaines ont implosé, pour ne laisser que chaos et individus désemparés. Cohen, qui a perdu sa femme et son enfant, fait partie de ces esseulés. Il lui faudra déployer des trésors de courage et d’humanité pour essayer de gagner la Limite.

    Ce roman de Michael Farris Smith frappe fort. Il ne faut que quelques mots de l’auteur pour planter le décor. Des paysages post-apocalyptiques, avec ces constants déluges d’eau. Une anomie complète, où l’on se bat pour de la nourriture, des piles, une voiture, et où la vie humaine ne constitue guère une valeur. De ce désastre surgissent des êtres plus voraces et meneurs que les autres, comme ce prêcheur, Aggie, qui a commencé par se faire un nom en essayant de faire croire qu’il pouvait guérir des morsures de serpents. Depuis, son commerce s’est bien développé, et il a créé une véritable secte sur laquelle il règne sans partage. Parmi ses ouailles, plus captives que volontaires, la jeune Mariposa, qui se souvient encore avec plaisir de sa jeunesse et de sa famille néo-orléanaise. Et c’est en partie pour la sauver, elle et les siens, que Cohen va tout faire pour les aider à quitter cet enfer humide. Difficile de ne pas penser à La Route de Cormac McCarthy ou à la série cinématographique des Mad Max en lisant le synopsis. Cependant, Michael Farris Smith injecte une âme réelle, entière et intime, à son histoire. Des personnages fracassés, tout en trajectoires fracturées, brisés par leur existence ou par ce cauchemar orageux cascadant des cieux malveillants. On est emporté par cette vision effrayante des éléments et des événements, chamboulant les repères moraux des hommes, tandis que l’on se plaît à vivre de beaux moments de magie et de grâce, comme les flash-backs de Cohen aux côtés de sa femme à Venise, ou ces instants, presque suspendus, où la terreur et l’angoisse s’interrompent en la présence d’un bébé.

    Un roman très bon et très fort, où Michael Farris Smith impose sa vision sans concession d’un avenir, peut-être imminent et crédible, où ce sera à chacun de choisir sa voie, dans les pas du Diable ou dans ceux d’individus valeureux. Car même si Cohen n’a en effet strictement rien d’un surhomme, sa bonté, son obstination et son courage le mettront d’autant plus en valeur.

    09/04/2019 à 19:09 5

  • Une poire pour la soif

    James Ross

    8/10 Début des années 1940, à Corinth, un patelin perdu de la Caroline du Nord. Jack McDonald, comme la plupart de ses concitoyens, survit plus qu’il ne vit. On s’apprête à lui prendre son exploitation en raison d’un lourd arriéré d’impôts, et il ne voit vraiment pas comment trouver la somme nécessaire. Il accepte l’offre de Smut, en l’aidant dans le roadhouse qu’il érige à la lisière de la ville. Un tripot, où l’on peut boire, manger, danser et jouer. Mais la misère et l’appât du gain peuvent souvent mener les hommes au meurtre.

    Unique ouvrage de James Ross, sorti en 1940 et acclamé par Raymond Chandler, il n’en est pas moins resté sans le moindre succès. Une déveine pour ce roman noir qui méritait un bien beau succès. L’écriture de l’auteur est remarquable, typique de l’époque : un style épuré, rongé jusqu’à l’os, employant de nombreuses formules populaires, collant avec une justesse remarquable au dénuement des personnages qu’il met en scène. Une immense majorité d’indigents, vivotant de petits boulots, sans le moindre espoir de pouvoir un jour quitter ce bled de malheur, et encore moins de faire fortune. Pour se consoler, il y a bien la gnôle et les filles, mais c’est bien tout. Alors, quand Jack – le narrateur – et Smut apprennent qu’il y a de l’argent à ponctionner à l’une de leurs connaissances, ils n’hésiteront pas longtemps, quitte à lancer un mécanisme qui les broiera. Des ressorts scénaristiques certes classiques, mais sacrément efficaces, d’autant que James Ross met en lumière des sentiments et attitudes toxiques sans jamais apporter le moindre jugement extérieur, tel un entomologiste décrivant avec des termes secs et cliniques le comportement des animaux qu’il observe.

    Un roman typique qui saura ravir les amateurs du genre, tout en présentant cette étrange spécificité que d’être méconnu. Un peu comme on redécouvre un jouet inusité ou oublié dans un grenier, et qui présente donc d’autant plus d’attrait. Un opus qui mérite en conséquence que l’on s’y intéresse.

    31/03/2020 à 08:19 3

  • Une proie si facile

    Laura Marshall

    8/10 Louise vient de recevoir un étrange message sur Facebook : Maria Weston lui demande d’être son amie sur le célèbre réseau social. Le problème, c’est que Maria est décédée vingt-sept ans plus tôt. Enfin, tout le monde la croit morte, mais nul n’a jamais retrouvé son corps. A cette époque, Louise ainsi que d’autres camarades de classe se sont mal comportés avec elle. Est-ce un canular ? L’amorce d’une vengeance ? Qui est derrière tout cela ? Quand une invitation encourage les anciens de l’école à se réunir, il se pourrait bien qu’un nouveau drame éclate.

    Sur un canevas classique, Laura Marshall a bâti un ouvrage à suspense crédible et très efficace. Très rapidement, le lecteur se retrouve plongé dans une ambiance mystérieuse à souhait, propice à la paranoïa et aux rebondissements. On découvre Louise, divorcée de Sam et maman d’un bout de chou de quatre ans, Henry, qui voit ressurgir, dès la première page de ce roman, un passé qu’elle pensait révolu, et surtout connu de très peu de personnes. L’époque des seize ans, des amours incertaines, des rivalités entre filles, des premières expérimentations des drogues. Le temps des lâchetés et de malveillances, au nom de rivalités claniques, pour être populaire ou avoir le droit de se joindre aux camarades les plus appréciées. L’apprentissage du sexe, également. Et lorsque que cette supposée Maria Weston réapparaît, c’est tout un pan de l'existence de Louise, mais également de son ex-mari, Sophie, Esther et des autres qui rejaillit de la conscience collective. Les mots de Laura Marshall sont fins, intelligents, et tissent des situations, des attitudes et des psychologies fort plausibles et humaines de bout en bout, entre indignités déplorées et souhait de rédemption, au point que chacun des personnages pourrait être l’une de nos amies, connaissances ou proches. Des individus écartelés entre une ancienne implication stupide et la volonté, peut-être, que rien ne soit mis à jour. Si l’intrigue ne ménage, en soi, guère de passages mémorables ou de suspense inoubliable, tout se révèle subtil et vraisemblable, au point de ne ressentir aucun temps mort et d’éprouver des sentiments changeants et contradictoires pour d’anciens bourreaux devenus victimes.

    Un livre certes classique mais très prenant, disséquant avec habileté les phénomènes de harcèlement, d’exclusion et de déchéance, au sein des adolescents comme des adultes.

    23/10/2018 à 11:56 4

  • Une Rançon pour Bichon

    Christian Grenier

    8/10 Sur une aire d’autoroute, alors que toute la famille se rend en vacances, Hercule, notre fameux chat policier, entend des gémissements provenir d’une voiture voisine. Il rentre dans l’habitacle et y découvre un mastiff tibétain, qui se révèle être le chien tout juste enlevé contre demande de rançon de Madame Bettenlon, la femme la plus fortunée au monde.

    Ce nouvel opus de la série consacrée au chat policier Hercule réunit tout ce qui fait le succès des précédents ouvrages. Un chat particulièrement espiègle et malicieux, qui en vient à se mettre les pattes dans les embêtements jusqu’au cou. On y retrouve donc tout le savoir-faire de Christian Grenier, chevronné auteur de littérature qui sait amplement imaginer et narrer une histoire pour les plus jeunes. Les rebondissements sont nombreux, depuis l’épisode du garage des deux kidnappeurs jusqu’à l’arrivée dans le zoo. Ce sont aussi de joyeuses pages, constellées d’un humour bienvenu, avec notamment un des ravisseurs, Roméo, particulièrement bête, le chien enlevé qui s’est trop habitué à une condition de vie fastueuse pour faire le moindre effort physique, ou encore la propriétaire de Bichon, qui s’imagine que tout a un prix, et qui ne saurait nullement être, ne serait-ce que par son patronyme, une référence à feu Liliane Bettencourt.

    Un frétillant roman policier mâtiné d’aventures, et qui entremêle drôlerie et réflexions sur le commerce des animaux et la valeur de l’argent.

    24/09/2018 à 19:50 2