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N'appelle pas à la maison
7/10 Dans une Barcelone en crise, squats et autres caboulots exsudent le chômage, la misère, l'alcool et la drogue. L'opulence de naguère s'affiche désormais en une file d'attente bigarrée et morose.
Le Barcelone de Zanón sue, pue la violence, exsude le sexe et le remugle. C'est sombre, cru, pathétique parfois mais c'est le reflet de la vie moderne. Ces existences qu'on juge au travers d'un rétroviseur imaginaire, qu'on vit à reculons dans les soupirs du passé. « Et puisqu'on en est là, à tout déballer, je ne supporte plus tout ça. Ma vie, ce que je vois dans les yeux de mes enfants, ce que j'ai été, ce à quoi je rêvais quand j'étais gamine, je compare ça à ce que je vois autour de moi, avec qui je suis, ce que j'ai, cette femme dans la glace... Il n'y a pas de seconde chance. Il n'y en a pas. Pas pour moi ». Des vies complexes, noueuses, des êtres qui se croisent, se déchirent, s'aiment. Raquel la junky paumée, en quête de reconnaissance et de protection, poupée brisée par la débauche et l'abandon. Abandon de son corps, de sa famille. Bruno, le macho, le cerveau, flambeur violent et impulsif, et Christian l'énigmatique, conciliateur de l'impossible qui exècre cette vie et cette ville, effaçant les ombres de son passé. Trois losers, dignes d'un Frank Dillon, trois petits malfrats qui se prennent pour les rois du chantage dans ce Barcelone illégitime où les couples adultères s'adonnent à leur vice, refoulant l'ennui dans de sombres précipices . Max est de ceux-là, de ceux qui ont tout pour être heureux et ne satisfont que de ce qu'ils n'ont pas. Au croisement de leurs routes, les vies de Max et de ce trio vont prendre un nouveau virage.
Zanón décortique au scalpel la chute, les états d'âmes d'une classe qui a perdu ses repères, frappée par la précarité et le déclin économique de toute une ville, un pays, qui a peur de son avenir.
"Quelqu'un qui n'avait pas de futur, rien qu'un présent immédiat, fugace, comme une allumette qu'il est vain d'essayer de maintenir allumée, on la regarde et on aime la voir se consumer, brûler le bout des doigts" (page 103)
Un regard lucide sur la vie avec ses joies, ses doutes, ses interrogations et ses désespoirs, enivrante comme une partie de flor quand la chance vous démange le corps, ou que la poisse colle à la peau d'un corps étriqué devenu souffrance. Quand la crise, la maladie, la dépression s'emparent de vous, vous étreignent, les questions, les doutes fusent, le regard se perd brumeux vers les rêves lointains, les illusions perdues.
Parfois l'histoire se traine, comme la vie amoureuse de Max, mais les rebondissements, les interrogations insufflent à nouveau un faux rythme.
Zanón maltraite sa Barcelone pour s'ancrer dans ce contexte économique et social sombre, où survivre, se sustenter requiert imagination et énergie, où l'on "ne voit pas plus loin que le jet de sa pisse"19/01/2016 à 09:10 3