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8/10 Buck Peters a tout pour plaire. Shérif dans une petite bourgade du Tennessee appelée Greenhill, il cumule les qualités : jeune, grand et musclé, il est en plus un fiston exemplaire ainsi que le marguillier de sa paroisse. Oh, certes, cela ne l’empêche nullement de coucher avec la belle Lacey, mais il faut tout de même avoir un minimum de vice, pas vrai ? Et quand on parle du vice, ne voilà-t-il pas que la belle Rita est retrouvée tuée par balle dans le chalet légué par son millionnaire de mari. Quelle poisse ! Une déveine d’autant plus épaisse qu’il ne faudrait pas que son journal intime, celui où elle décrit ses galipettes sentimentales avec la population mâle de Greenhill, tombe entre de mauvaises mains. Mais si ce sont les braves forces policières et catholiques qui s’en emparent, aucune raison de s’en faire, hein ? Non. Ou si peu…
Peter Duncan est une énigme. Il se murmure que ce pseudonyme serait celui employé par l’écrivain américain B. M. Atkinson Jr, mais rien n’est démontré. Ce qui est en revanche moins une énigme, c’est le parallèle évident à faire entre ce roman et le 1275 âmes de Jim Thompson. Quoique distants de cinq années, on y retrouve de nombreuses similitudes : un patelin américain, des habitants bien sous tous rapports – du moins en apparence, et un flic qui va mettre la pagaille dans ce gentil décor de pastels. Chez Peter Duncan, le ton y est toutefois beaucoup plus comique et moins féroce, avec de nombreuses réparties et formules que l’on relit plusieurs fois tant elles sont hilarantes. Les protagonistes, sous le vernis de la bien-pensance et de la religiosité, sont d’incorrigibles pécheurs. Un maire plein aux as qui paie de jeunes femmes pour assouvir ses fantasmes, en l’occurrence les héler avec un appeau à canards et les obliger à se trémousser en faisant les cris du palmipède. Un médecin qui en veut à Rita car elle l’a habilement dépossédé de cinq mille dollars et l’a obligé à rentrer chez lui seulement habillé d’un drap. Lacey et Pert, deux sœurs au tempérament de feu et aux courbes dantesques, à carboniser un bataillon de congélateurs. Un shérif-adjoint dénué de scrupules, qui va user de la possession du fameux carnet intime pour faire chanter la bonne société, quitte à outrepasser ses prérogatives. Et un inénarrable Buck, à la fois si pieux, puisqu’il en vient à prier Dieu en urgence lorsqu’il hésite sur la conduite à tenir et voit son Seigneur subitement lui répondre, et si fautif, quitte à coucher avec la sœur de sa maîtresse histoire de lui faire garder le silence, qu’il en devient jouissif.
Moins noir et féroce que 1275 âmes, ce Je suis un sournois n’en demeure pas moins sévèrement acide et drolatique. Une radiographie particulièrement cruelle et jubilatoire d’une communauté lambda, si réjouissante que la résolution de l’énigme, à savoir qui a tué Rita, passe volontiers au second plan.04/01/2016 à 18:27 El Marco (3455 votes, 7.2/10 de moyenne) 4