Le Label N

  1. L’ombre du Maître

    Une voiture conduite par la dénommée « Blondasse » croise la route d’une biche. Mort au tournant. Accident tragique. Appelé sur place, Luc Mandoline, également connu sous le sobriquet de « l’Embaumeur », est chargé de redonner aux morts une allure acceptable. Quelle n’est pas sa surprise lorsqu’il découvre que la défunte est en réalité… un honnête père de famille ! Il ne s’agit que du premier d’une longue liste de rebondissements qui vont mener l’enquêteur sur les pas d’un homme à l’identité mystérieuse, surnommé le Maître.

    Sixième opus de la série consacrée à l’Embaumeur, ce roman a été confié à Jess Kaan. On y retrouve les ingrédients qui séduisent et que l’on se plaît à retrouver : un héros pugnace, un scénario original, et une réelle liberté de ton. Derrière la plume, l’auteur remplit amplement le cahier des charges de la saga tout en y instillant des éléments bien personnels. L’univers du Nord de la France est ainsi rendu avec justesse et sobriété. D’ailleurs, par rapport à d’autres ouvrages, celui-ci se montre plus sombre et féroce, avec à la clef bien moins d’humour potache, même si certains dialogues et scènes, fort bien sentis, sont jubilatoires.
    L’histoire est très agréable à suivre, avec un bon nombre de retournements de situation. Jess Kaan a su imaginer et ériger une intrigue solide, prenante autant que parfois éprouvante, sans jamais tomber dans les effets faciles. Et même quand la limite du bon goût est atteinte, c’est avec un plaisir certain, presque coupable, que l’on traverse cette démarcation. Un seul bémol est finalement à apporter à ce Label N : les motivations profondes du Maître ne sont peut-être pas assez explicitées, ce qui aurait nécessité une volée supplémentaires de pages explicatives.

    À la fois fort des contraintes littéraires imposées par l’immixtion dans cette série que des particularismes salutaires apportés par les divers contributeurs, l’Embaumeur ne cesse d’enchanter et de se réinventer, au même titre que le cortège d’enquêtes du Poulpe. Dans le cas de ce roman, un très agréable exercice de style doublé d’une lecture décomplexée et séduisante. Yes, he Kaan !

    /5