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8/10 Robbie Daniels vit comme un nabab dans sa magnifique propriété de Palm Beach. Riche, séducteur, au-dessus de tout soupçon, il incarne la réussite professionnelle parfaitement épanouie. Mais Daniels n’est pas qu’une gravure de mode : c’est également un psychopathe. Féru d’armes à feu, il les collectionne et les utilise, à l’occasion, comme avec ce réfugié haïtien sur lequel il a tiré, alors que les circonstances de la légitime défense sont encore floues. Il engage un policier pour être à sa solde, autorise une journaliste pour qu’elle dresse son portrait, tandis qu’un autre flic commence à se mêler de ses affaires. Les nuages s’accumulent, et l’orage n’est décidément pas loin…
Auteur adoré par ses pairs et dont les œuvres ont souvent été portées à l’écran, Elmore Leonard fait partie de ces écrivains que l’on a plus besoin de présenter. Publié en français pour la première fois, ce Permis de chasse met immédiatement en lumière son style si particulier. Prompt aux digressions, capable de rendre des dialogues croustillants, mettant en scène des individus assez farfelus, cet opus ne déroge pas à la règle. Robbie Daniels est même une sorte de synthèse de ses créatures littéraires : siphonné sans jamais être une caricature de névrosé, il se passionne pour les armes, essaie de partager cette ferveur avec les gens qu’il croise, et devient complètement obsédé par la possibilité d’un meurtre ultime, sorte de parangon de ce qui pourrait se faire en la matière, qui serait pratiqué sur une vermine absolue. Il parvient à traîner Walter Kouza, policier à la dérive, dans son sillage de mort, et fait de lui son assistant. Ses relations avec Angela Nolan, la journaliste, et Bryan Hurd, limier perspicace, vont s’entrelacer jusqu’à un chaos que l’on devine toujours plus proche à mesure que les pages se tournent. Derrière les mots d'Elmore Leonard, sous les apparentes banalités de quelques verbiages et autres situations loufoques, on sent nettement des martèlements, ceux qui animent des individus purement fictionnels mais auxquels les écrivains doués savent donner vie. C’est ici le cas. Dans les réparties, les saynètes, les sentiments, tout sonne juste, jusqu’à parfois égarer le lecteur qui vient parfois à croire à une histoire bien cocasse, à s’en taper sur les cuisses tant c’est comique. Mais il n’en est rien : des gens sont abattus, d’autres filment les derniers moments de vie de malheureuses proies, et le dégoût se lie à l’absurdité des desseins de Daniels.
C’est tout le paradoxe de ces ouvrages d’Elmore Leonard : parvenir à les rendre burlesques sans jamais faire déteindre cette encre si noire avec laquelle il les écrit. Ou l’inverse : conserver cette teinte sombre sous le vernis d’un récit divertissant. Peu d’auteurs peuvent le faire sans tomber dans le ridicule ou le bancal. Non. En fait, il n’y en avait qu’un seul. Et c’est pour cela qu’on l’aimait tant. Elmore Leonard nous a quittés le 20 août dernier.22/09/2013 à 18:24 El Marco (3423 votes, 7.2/10 de moyenne) 1