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9/10 Il est des liens plus forts que le sang. Naître à El Condado, c'est lier un pacte pour la vie et le porter à jamais dans son cœur et sa chair. On ne fuit pas ce barrio, on le quitte pour un aller-retour sans espoir ou on lui tourne à jamais le dos. « Vivre dans ce quartier, ça te fout les boules », répète Léo Martin comme un leitmotiv envoûtant, oppressant, telle une lente vérité qui s'insinue, s'enracine chaque jour un peu plus. Habiter El Condado, c'est accepter le silence des amis, les regards suspicieux, l'ignorance de ce qui se passe chez le voisin, chez sa mère. Léo Martin y est né, il y vit encore. Aujourd'hui, flic dans son quartier, le passé, la vérité et la suspicion vont le rattraper le temps d'une enquête. Le temps de retrouver l'assassin du vieux Cundo. Jadis mentor de Léo et de toute une bande de gamins. Le cadavre du vieil homme gît le crâne défoncé, dernier témoin des illusions d'une jeunesse devenue adulte dans un Cuba en crise. Face aux uniformes, les témoins s'effacent, les portes se referment, même les amis d'hier semblent fuir. Mais El Condado est une geôle, le cœur pauvre de Santa Clara qui rythme les pas de Léo vers la révélation. Boléro noir à Santa Clara se déroule comme une lente pulsation, une terrible brûlure d'un vieux rhum. Lunar revisite un classique du genre, le policier version Agatha Christie. Mais la force de l'auteur réside dans sa personnification du barrio et de son ambiance. On savoure langoureusement cette histoire sous une chaleur accablante, on s'attend à fouiller les vices de son voisin, déceler les combines lucratives . Lorenzo Lunar interagit allègrement entre ses héros, à savoir Martin et El Condado. Ce dernier dirigeant le boléro dans une moiteur étouffante. Plus qu'un remarquable immersion dans un Cuba misérable, un mano à mano entre un homme désabusé et sa terre plus destructrice que nourricière. Un premier volume magistral.
19/01/2016 à 11:00 LittleWing (21 votes, 7.8/10 de moyenne) 1