Du feu de Dieu

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  • 9/10 Patrick Patras a quarante-et-un ans, un physique de dégingandé, il est myope et atteint de bégaiements, et après une adolescence bousculée, il a trouvé la paix dans les bras de Dieu en épousant la prêtrise. Sa vocation est aussi liée à sa rencontre avec le père Rémy, devenu son mentor, avec lequel il partage les douleurs de ses contemporains, dans les EHPAD ou les hôpitaux. A l’église Saint-Louis de Fontainebleau, les deux hommes sont agressés par un duo de jeunes femmes, le père Rémy est assassiné, émasculé et crucifié. Pour Patrick, c’est le début d’une longue et intolérable descente aux enfers, au bout de laquelle se trouve la vengeance, et peut-être également une forme de rédemption.

    Jean-Pierre Rumeau signe ici un roman d’une rare noirceur. La plume de l’auteur sait prendre son temps pour planter le décor, les personnages, les relations parfois complexes qui les connectent, et livre de beaux passages sur la religion, la confiance en un éventuel au-delà céleste, les affres du doute quand la maladie ou la mort fauche brutalement et avec iniquité les individus. Patrick Patras s’impose rapidement comme un protagoniste marquant, loin des stéréotypes redoutés du genre, à la fois fragile dans son apparence comme dans son âme, sujet aux errances et à la perte presque totale de repères moraux, prêt à l’apostasie pour céder à l’amour charnel, à la violence physique et à la tentation du meurtre. Jean-Pierre Rumeau aurait pu nous livrer une énième version des séries de films Taken ou Un Justicier dans la ville, avec force effets pyrotechniques et autres combats à mains nues, mais il n’en est strictement rien – et c’est tant mieux : il s’agit d’un ouvrage intrinsèquement sombre, tortueux, qui tangue et saigne, émeut et choque, secoue et surprend. En fait, même l’enquête policière passe au second plan et ce sont essentiellement le portrait psychologique de Patrick ainsi que le chemin menant aux représailles qu’il va emprunter qui sont au cœur du récit. Les scènes finales, dans la grotte, aux côtés de ces deux adolescentes qui sont autant des prédatrices que des proies, sont fortes et très bien pensées.

    Un livre noir comme une soutane, avec juste ce qu’il faut de blancheur au niveau du col romain pour éclairer l’ensemble. Un opus qui cingle et bouleverse, avec de justes réflexions sur la jeunesse désespérée, l’hideuse attraction de l’islamisme et certains pièges de la foi.

    avant hier à 06:58 El Marco (3630 votes, 7.2/10 de moyenne) 6