La vie de Nadège Solignac a été ponctuée de drames qualifiés d’accidentels : en réalité, même si elle a été absoute par la justice et que seules des présomptions persistent, elle est une tueuse. « Noyer un flic, immoler son père, défenestrer sa nièce ou cramer un SDF » ne la remplissent pas de joie, elle n’est pas une psychopathe, juste une femme qui détruit « les nuisibles et les inutiles ». Quand elle tombe enceinte et élève son fils Cédric, elle a déjà pour lui de grands projets : devenir le mâle alpha. Mais ce projet va graduellement réveiller chez elle de purs démons tandis qu’en Cédric, le loup commence à hurler.
Estelle Tharreau est une écrivaine dont on pense le plus grand bien, à Polars Pourpres. Ses derniers romans (La Peine du bourreau, Il était une fois la guerre et Le Dernier Festin des vaincus) étaient tous d’authentiques réussites, des livres originaux, forts et marquants, et L’Alpha et l’oméga est un bijou. Choral, alternant les points de vue entre Nadège, Cédric et Julien – le frère de Nadège –, il érige, une brique après l’autre, les sinistres constructions morales et psychologiques de deux individus dont les remparts vont lentement s’éroder puis se désagréger. De multiples passages sont effrayants de noirceur sans pour autant tomber dans le piège littéraire que sont le voyeurisme ou la surenchère. Dès les premières pages, on comprend qu’Estelle Tharreau va nous emmener loin, dans des eaux lugubres et très profondes, là où l’air se met à manquer avant que l’apnéiste ne soit complètement asphyxié. Les meurtres sont d’ailleurs bien moins édifiants que la manière dont Nadège va à la fois aimer et dresser son bébé – devenant enfant, adolescent puis jeune adulte – afin qu’il intègre la communauté des hommes en demeurant dans ce qu’elle appelle « la zone grise », à l’affût, loin de la stupidité et le grégarisme de ces individus devenus têtes de bétail. La plume est corrosive, le style sec, les descriptions psychologiques vertigineuses de précision : en quelques mots, au gré de situations mémorables, l’auteure manifeste son talent et sa maîtrise d’un bout à l’autre de ce livre féroce, sombre, désenchanté. Et l’on ne parlera même pas du final, en plusieurs temps, qui éclate à la manière d’un feu d’artifice enténébré, avec des révélations sulfureuses et singulières, achevant ce récit et consommant le peu d’oxygène qui restait.
Un livre remarquable, ciselé à la manière d’une rose des vents littéraire prise au milieu de courants contraires et ambigus. Estelle Tharreau est une véritable orfèvre de la littérature.
La vie de Nadège Solignac a été ponctuée de drames qualifiés d’accidentels : en réalité, même si elle a été absoute par la justice et que seules des présomptions persistent, elle est une tueuse. « Noyer un flic, immoler son père, défenestrer sa nièce ou cramer un SDF » ne la remplissent pas de joie, elle n’est pas une psychopathe, juste une femme qui détruit « les nuisibles et les inutiles ». Quand elle tombe enceinte et élève son fils Cédric, elle a déjà pour lui de grands projets : devenir le mâle alpha. Mais ce projet va graduellement réveiller chez elle de purs démons tandis qu’en Cédric, le loup commence à hurler.
Estelle Tharreau est une écrivaine dont on pense le plus grand bien, à Polars Pourpres. Ses derniers romans (La Peine du bourreau, Il était une fois la guerre et Le Dernier Festin des vaincus) étaient tous d’authentiques réussites, des livres originaux, forts et marquants, et L’Alpha et l’oméga est un bijou. Choral, alternant les points de vue entre Nadège, Cédric et Julien – le frère de Nadège –, il érige, une brique après l’autre, les sinistres constructions morales et psychologiques de deux individus dont les remparts vont lentement s’éroder puis se désagréger. De multiples passages sont effrayants de noirceur sans pour autant tomber dans le piège littéraire que sont le voyeurisme ou la surenchère. Dès les premières pages, on comprend qu’Estelle Tharreau va nous emmener loin, dans des eaux lugubres et très profondes, là où l’air se met à manquer avant que l’apnéiste ne soit complètement asphyxié. Les meurtres sont d’ailleurs bien moins édifiants que la manière dont Nadège va à la fois aimer et dresser son bébé – devenant enfant, adolescent puis jeune adulte – afin qu’il intègre la communauté des hommes en demeurant dans ce qu’elle appelle « la zone grise », à l’affût, loin de la stupidité et le grégarisme de ces individus devenus têtes de bétail. La plume est corrosive, le style sec, les descriptions psychologiques vertigineuses de précision : en quelques mots, au gré de situations mémorables, l’auteure manifeste son talent et sa maîtrise d’un bout à l’autre de ce livre féroce, sombre, désenchanté. Et l’on ne parlera même pas du final, en plusieurs temps, qui éclate à la manière d’un feu d’artifice enténébré, avec des révélations sulfureuses et singulières, achevant ce récit et consommant le peu d’oxygène qui restait.
Un livre remarquable, ciselé à la manière d’une rose des vents littéraire prise au milieu de courants contraires et ambigus. Estelle Tharreau est une véritable orfèvre de la littérature.