Black blocs

(Black blocks)

  1. A la recherche du « Livre du noir »

    Swann Ladoux a tout pour être heureuse : un métier de technicienne en labo de biophysique, et un compagnon, Samuel. Sauf que Swann retrouve Samuel abattu chez eux d’une balle. Pour la police, elle est la suspecte idéale. Mais il se peut que le défunt ait dissimulé une part de son existence, de ses activités, en étant un membre des Black Blocs.

    Elsa Marpeau, qui nous a déjà depuis séduits avec Et ils oublieront la colère ou Les Corps brisés, signait cet ouvrage en 2012 : avec les actuelles protestations des gilets jaunes et les nombreuses échauffourées impliquant à cette occasion des membres des Black Blocs, il en prend une saveur toute particulière. D’entrée de jeu, le style séduit : des phrases sèches, hachées, où les flashbacks viennent entrer en collision avec un récit au présent, et l’ensemble devient rapidement captivant, voire hypnotique. On se prend ainsi de sympathie pour Swann, que rien ne semblait prédestiner à entrer en contact puis en collusion avec ces individus extrémistes, tant dans leurs pensées politiques que dans leurs agissements militants. De nombreux personnages viennent retenir l’attention, notamment le policier Anton Legal, à la mise impeccable et perclus d’un mal physique qui va lentement le rattraper. Le lecteur, au même rythme que les protagonistes, vont se mettre en quête d’un livre, le Livre du noir, dont le contenu est susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’Etat. Elsa Marpeau entrecoupe son récit de « recettes » permettant de confectionner des armes, ou donnant des conseils quant à la lutte contre le grand capital. Et le livre s’achève sur un chapitre, doublement explosif. Des lecteurs pourront reprocher à l’écrivaine un certain angélisme, voire un angélisme certain, vis-à-vis de cette faction d’obédience anarchiste, même si l’épigraphe, placée au début du roman, donne une indication quant à son positionnement politique. Parallèlement, malgré quelques passages permettant de mieux comprendre ce mouvement politique, notamment grâce à des discussions avec les acolytes de Samuel, on reste souvent à la surface du cœur du sujet, ne faisant que l’effleurer, et l’on ne ressort pas de cet opus rassasié ni même véritablement contenté de connaissances quant aux Black Blocs.

    Malgré quelques temps morts, dans l’ensemble, ce roman est réussi, notamment grâce à la plume si ensorcelante de l’auteur. Et si l’intrigue prend parfois quelques raccourcis ou téléphone des passages (la révélation de l’identité du tueur ne surprendra probablement pas), on passe un agréable moment à la lecture de ce livre au sujet original.

    /5