Monsieur le commandant

  1. Un roman long courrier lauréat d'un Trophée 813

    Andigny, département de l'Eure, 1942
    Paul-Jean Husson est un écrivain réputé, également académicien. Il est marié et a deux grands enfants : une fille, Jeanne, et un fils, Olivier, qui s'est lui-même marié en 1934 avec une jeune allemande. Ilse, c'est son prénom, ayant mis au monde une petite Hermione, il est donc désormais grand-père.
    Profondément antisémite et pétainiste convaincu, Paul-Jean Husson n'a pas mis longtemps à choisir son camp au début de la guerre. Pour lui, les Allemands vont aider la France à se redresser en éradiquant la vermine juive. Olivier étant parti défendre la patrie au front, les ennuis de Paul-Jean vont commencer en même temps qu'il va se rapprocher dangereusement d'Ilse, découvrant par la même occasion des vérités cachées qu'il aurait mieux fait d'ignorer.

    Monsieur le Commandant est paru dans la collection « Les Affranchis » aux éditions du Nil, dont le principe est le suivant. Il est demandé aux auteurs souhaitant l'intégrer d'écrire « la lettre que vous n'avez jamais écrite ». Bien qu'il ne s'agisse pas d'une correspondance mais d'un seul courrier, on peut dire que ce titre est d'une certaine manière un roman épistolaire. Destinataire, lieu, date, puis apostrophe « Monsieur le commandant, » : il s'agit bien d'un long courrier (divisé en chapitres pour faciliter la lecture) qui se termine par la signature du « narrateur » à la page 232.
    Au fil des pages, Paul-Jean Husson n'a de cesse de raconter sa vie au Sturmbannführer Schöllenhammer. Il lui parle un peu de son métier d'écrivain et de l'Académie française et ne se prive pas de lui donner sa vision de la France. Mais surtout, il lui parle de sa famille, des relations qu'il entretient avec son fils, avec sa petite-fille, et surtout avec sa bru. Il lui décrit les bouleversements qu'Ilse a peu à peu amenés dans sa vie, elle qui a bousculé tous ses repères et l'amène à se poser des questions existentielles.
    A travers ces quelques personnages bien dépeints, Romain Slocombe nous raconte une partie de la Seconde Guerre mondiale : collaboration, antisémitisme, occupation, incertitudes du quotidien. Sans avoir l'air d'y toucher, l'auteur parvient à accrocher son lecteur, distillant petit à petit de nouveaux éléments qui vont peu à peu changer la donne, et ce jusqu'au final très réussi.

    Monsieur le Commandant est un roman étonnant et abouti qui devrait plaire à ceux qui aiment les fictions ancrées dans la réalité historique (l'intrigue s'inspire d'ailleurs largement de faits réels).
    Romain Slocombe, qui est loin d'être un débutant – on lui doit de nombreux romans, nouvelles, scénarii de films et de bandes dessinées... – a peut-être été surpris par le parcours de ce livre. En effet, il a été largement salué par la critique et présélectionné pour certains prix littéraires dont le Goncourt ! Enfin, il vient de remporter le Trophée 813 du meilleur roman francophone.

    /5