Le Retour de Silas Jones

(Crooked Letter, Crooked Letter)

  1. Deux hommes et le Mississippi

    Silas Jones, orphelin de père, vit avec sa mère dans des conditions difficiles. Il aime à passer du temps dans les bois et à s'entraîner au base-ball. Il aurait bien envie de jouer avec Larry Ott, qui a l'air bien sympa, mais Larry est blanc, et pour l'enfant noir qu'il est, dans le Mississippi des années 1970, un tel rapprochement n'est pas permis.
    Quelques décennies plus tard, une adolescente disparaît et les deux hommes vont de nouveau être amenés à se croiser. Silas est devenu constable, tandis que Larry, accusé de la disparition d'une jeune fille mais non condamné – faute de preuves suffisantes – essaie tant bien que mal de rester debout face au harcèlement permanent d'une partie des habitants, qui font de lui le coupable tout désigné de cette nouvelle affaire du fait de son passé obscur.

    Tom Franklin est un de ces auteurs qui nous prouvent qu'on peut très bien tenir le lecteur en haleine sans recourir systématiquement aux tueurs en série ou aux courses-poursuites de bolides. Qu'on peut décrire des personnages en profondeur, ou des paysages bucoliques, sans que l'on ne s'ennuie un seul instant.
    Que ce soit durant leur enfance, dans les années 1970, ou aujourd'hui, les personnages de Silas et Larry – on les suit en alternance – sont décrits avec beaucoup de justesse, y compris dans leur relation, ambiguë, dont on découvre peu à peu de nouveaux aspects. A ces personnages des plus réussis s'ajoute cette immersion dans un patelin rural du Mississippi (Chabot, 500 habitants) qui rappelle par moment l'excellent 1275 âmes de Jim Thompson.

    Le retour de Silas Jones – bien plus sage que Smonk, redoutable western foutraque et bourré de testostérone – est un magnifique roman nous prouvant, s'il en était encore besoin, que Tom Franklin est avant tout un excellent raconteur d'histoires. Il se dégage vraiment quelque chose de ce texte, qui fait qu'en refermant la dernière page on se dit qu'on serait bien resté encore un moment au Mississippi avec Silas et Larry.
    Voilà un très beau texte qui devrait plaire, en particulier à ceux qui ont apprécié le superbe Julius Winsome de Gerard Donovan, avec qui il partage quelques points communs (poésie des mots, présence de la nature...).

    /5