"C'était l’hiver, un hiver mordant de février, et je n'avais pas revu Billy depuis des mois, quand je tombai sur lui un soir à Shudehill. Il avait les cheveux en bataille, pas rasé, sans chaussettes malgré la froidure de la nuit et tremblant de la tête aux pieds, accroché à un réverbère dans une flaque de lumière jaune, et en pleurs. Il me vit approcher et se tordit pour libérer une main, en une invite désespérée. “Rouquin, cria Billy. Rouquin ! La partie est finie pour Billy ! La rumeur se répand ! Ils sont après moi !” Il marqua une pause, chuinta et de la bave jaillit de ses lèvres :“Je les ai sur le dos !”."
Clochard errant, alcoolique, Billy "souffre" d'hallucinations : des démons le tourmentent, attendant de lui qu'ils les libèrent. Habitantes d'un cimetière mystérieux, ces créatures démoniaques logent en réalité dans les méandres cérébraux de Billy et conduiront cette "épave indestructible" au suicide. Le lecteur assiste au montage d'un court-métrage, il plonge à la fois dans l'atmosphère du récit fantastique – plans larges, espaces énigmatiques, ténébreux – tout comme il frôle la surface des choses, se confronte à la réalité la plus concrète tant Tim Willocks sait décrire non seulement un personnage mais aussi un homme, yeux enfoncés, gencives ravagées, dents cassées, costume à fines rayures maculé. Fort de sa profession de psychiatre, Tim Willocks évoque sous une forme littéraire le problème de l'alexithymie, difficulté à verbaliser ses émotions et ses douleurs, liée à des symptômes psychosomatiques. Ce faisant, il place la littérature au niveau de la misère humaine, l'écrivain, comme la mission dont Billy Micklehurst se croit chargé, est un passeur d’âmes.
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Soumis le 22/03/2012 par Hoel