Doglands

  1. Doglands, ou l'histoire de Furgul, le chien qui voulait être libre

    Dans un chenil que les chiens appellent la « fosse de Dedbone », un homme élève des lévriers dans de terribles conditions. Les meilleurs sont amenés à concourir sur le champ de course. Pour les faibles, les malades et les blessés, une seule option : la mort. C'est dans ces conditions que Keeva, la plus rapide des championnes, met au monde quatre chiots. Lorsqu'ils ont un peu grandi, elle annonce à Furgul que leur père n'est pas un lévrier et lui demande de fuir avec ses sœurs avant que Dedbone ne remarque leur « impureté » et ne les tue.

    On ne présente plus Tim Willocks, ancien psychiatre auteur d'une poignée de romans marquants, souvent salués par ses pairs (Bad City Blues, Les rois écarlates, Green River et plus récemment, La religion). Pour une première incursion en littérature pour la jeunesse, Doglands (traduit par Benjamin Legrand) est une réussite à bien des égards. Roman d'aventure et récit initiatique à la fois, cette histoire atypique devrait séduire les jeunes lecteurs de par ses nombreuses qualités. Le parcours de Furgul, ce chiot que la vie n'a pas épargné, est un combat de tous les instants, aussi l'action ne manque pas dans ce texte qui rappelle les réussites de Jack London que furent Croc-Blanc et L'appel de la forêt.
    Ici, la grande idée de l'auteur est d'avoir pensé à raconter son histoire du point de vue des chiens, lesquels ne parlent pas le langage des humains, pas plus qu'ils ne comprennent la plupart de leurs agissements. Furgul grandit au fil des pages et saisit de mieux en mieux les comportements des hommes. Ce prisme plutôt original permet à Tim Willocks d'apporter une autre dimension à son texte. Là où les plus jeunes lecteurs auront grand plaisir à suivre les aventures d'un chien prêt à tout pour rester libre et sauver sa mère, les adultes pourront voir aussi une critique à peine voilée de la société néolibérale dans laquelle nous vivons. En effet, le point de vue animal permet assez aisément, et de manière plutôt légère – Doglands n'est pas exempt d'humour – de dénoncer certains de nos travers, un peu à la manière d'Orwell dans La ferme des animaux. Le personnage de Churchill, un bouledogue de compagnie très heureux de sa condition et prêt à obéir à toutes les règles de ses maîtres pour peu qu'il ait ses croquettes, est à cet égard très réussi.

    Que les amateurs de Tim Willocks se rassurent, le retour de Tanhauser – le personnage principal de La religion – est annoncé pour bientôt (sans doute 2013 en France). Doglands, roman qu'il a écrit en quelques semaines alors qu'il connaissait quelques difficultés à terminer Twelve Children of Paris, devrait leur permettre de patienter sans déplaisir. Même lorsqu'il se lance dans l'inconnu, force est de constater que Tim Willocks n'en demeure pas moins talentueux. Rien n'est encore sûr, mais il se pourrait bien qu'on retrouve Furgul, le chien courageux, dans un prochain roman.

    A lire également : l'interview accordée à Polars Pourpres par l'auteur à l'occasion du festival Quais du polar.

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