Sur la page est reproduit le portrait des époux Arnolfini. Jan Van Eyck le peignit en 1434. La légende indique que l’original est conservé à la National Gallery de Londres. Le cadre du miroir dans le berceau que forment les bras joints du couple est un astrolabe aux rayons écourtés. Sur le verre étamé, l’image est floue. Lothaire incline son livre en tous sens. Il cherche le point de vue exact qui rende intelligible l’anamorphose. En vain. Son regard est limpide, mais des clartés lui manquent. Alors, il se lève, court à la fenêtre et d’un geste vif fait claquer les persiennes au mur. Dehors, le jour flamboie. La mer, par-dessus les collines adoucies, brasille au soleil levant. Lothaire reprend son livre et, dans la lumière éblouie, scrute à nouveau le fond du miroir où flottent d’étranges albugos. Sa vision n’est pas nette. Il tente de l’ajuster, s’éloigne, se rapproche, s’éloigne encore et recommence inutilement. La miniature de Jan est un miroir ardent où tout reflet se consume. Alors, d'instinct, Lothaire colle son œil à même la page, dans l’axe focal du miroir et découvre sou-dain, fasciné, l’œil du maitre qui perçoit au loin, très loin devant les ridicules époux, les formes à venir. Jan et Lothaire se confondent. Ils ont passé les siècles pour dire que la réalité du monde est tout entière dans le regard des hommes.
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Soumis le 18/05/2023 par El Marco