Un grand maître dunkerquois

  1. Sur les traces de Vervich

    Fabrice Vervich vit avec sa mère dans une ferme isolée de la campagne flamande. Ils sont riches, il est beau. Mais sous ce vernis, une bête est tapie. Un monstre bicéphale. Ce duo enlève des jeunes femmes, les séquestre, leur fait subir mille tortures avant de s’en débarrasser. Ces deux bourreaux ne s’arrêteront pas de sitôt. Sauf si les disparitions de femmes finissent par alerter la police…

    Après Dunkerque sous le signe d’Othmane, Jean-Pierre Bocquet reprend ses personnages de policiers pour une nouvelle enquête. Même si la lecture du premier ouvrage n’est pas obligatoire, elle n’en demeure pas moins préférable pour mieux saisir les relations entre les divers enquêteurs ainsi que leur évolution psychologique. L’auteur dispose d’une plume habile – il est professeur de lettres – et sait habilement peindre les ambiances comme les sentiments. À cet égard, de nombreux passages descriptifs sont à relire tant la langue employée est belle et poétique. Le scénario tient la route, le suspense est bien maintenu, et l’on avale fiévreusement les pages de ce roman sans s’en rendre compte. Les policiers sont croqués de manière réaliste, loin des poncifs du genre, et les investigations paraissent plausibles dans leur déroulement comme dans leurs rebondissements. Par ailleurs, la paire de tortionnaires est effrayante, avec de nombreuses scènes marquantes d’humiliations et de supplices infligés aux victimes. Quelque part entre Barbe Bleue et Casanova, ce fils, dénaturé dès son enfance par une mère castratrice et ayant noué avec elle des liens morbides, est abominable.
    Si l’histoire ainsi que le style sont plus que louables, on ne peut que regretter quelques baisses de régime dans l’enquête, notamment dans le milieu du livre, où le lecteur maudira probablement les enquêteurs de ne pas fondre plus rapidement sur les criminels alors que les faisceaux de preuves s’amoncellent. D’autre part, il est dommage que certains clichés viennent enlaidir le tableau, particulièrement lorsqu’il s’agit de cerner les personnalités de ce couple morbide. Un enfant, détruit très tôt par la personnalité envahissante de sa génitrice, et devenant un prédateur impuissant comblant ses failles par des actes atroces, même si bien dépeint par Jean-Pierre Bocquet, sonne indubitablement comme une banalité dans le domaine du thriller. On aurait aimé un peu plus d’originalité dans la genèse de ce nuisible.

    Jean-Pierre Bocquet signe donc un roman certes efficace et prenant, que l’on ne lâche pas, mais qui aurait mérité des êtres machiavéliques centraux plus aboutis, ou moins attendus, pour faire honneur à son style, remarquable.

    /5