« Vous vous rappelez qu’il y a dans Siegfried un oiseau qui chante, c’est-à-dire une femme, dans la coulisse, qui prête à l’oiseau le prestige des mots et de la mélodie.
Donc, une femme invisible se mit à chanter soudainement. Et alors il nous sembla que tous les autres n’avaient fait que miauler, rugir ou braire depuis le lever du rideau, et les sonorités de l’orchestre impeccable devinrent tout à coup criardes et fâcheuses – tant cette voix était une féerie. Sa pureté n’avait d’égale que sa force. Elle réunissait toutes les vertus que les sons peuvent acquérir, et cela d’une manière si incomparable, inouïe et surhumaine, qu’on se demandait en premier si vraiment une gorge mortelle émettait le chant prodigieux, ou si ce n’était pas une étrange voix indépendante, qui vivait toute seule… Mais à l’écouter, non, non : ce soprano caressant révélait une âme féminine, un cœur ardent de jeune fille qui l’exhalait avec un naturel charmant, comme une fleur donne son parfum… A l’écouter, on devinait à sa source une bouche vermeille et des seins blancs qui palpitaient… On frémissait, à l’écouter, ainsi qu’à regarder la fraîcheur d’une vierge trop belle. »
Il ne semble pas encore y avoir de sujet sur cet ouvrage sur le forum... Cliquez ici pour en créer un !
Soumis le 07/05/2023 par El Marco