Plus léger que l'air

(Más liviano que el aire)

  1. Fallait pas pousser mémé...

    Une vieille dame allant sur ses quatre-vingt-quatorze ans se fait agresser au pied de son immeuble par un adolescent. Ce dernier la contraint à le mener vers son appartement, où il pense pouvoir lui soutirer facilement ses bas de laine. C'est sans compter sur la roublardise de la nonagénaire, qui parvient à enfermer le jeune voleur dans la salle de bains. Elle lui « propose » (« impose » serait sans doute plus juste) ensuite d'écouter l'histoire de sa vie, en échange de quoi elle consentira peut-être à le libérer.

    Dès les premières phrases, Plus léger que l'air frappe par son originalité. Le récit n'est qu'un long monologue de la vieille femme – un peu plus de deux-cents pages – qui raconte sa vie et celle de sa mère au jeune homme, lequel n'a d'autre choix que de l'écouter. Elle apostrophe de temps à autre le délinquant, rendu comme muet par sa geôlière – et par la narration.
    Bien qu'elle tienne plus du dialogue de sourds ou du monologue qu'autre chose – la porte close de la salle de bain ne facilite sans doute pas l'échange – on peut dire qu'une sorte de « relation » s'installe entre les deux personnages au fil des jours (la vieille dame glisse des biscuits sous la porte pour que l'adolescent ne dépérisse pas). D'abord clairement victime, l'aïeule prend peu à peu la mesure de son « adversaire ». Le rapport de force s'inverse et, situation aidant, elle en vient à le dominer. D'humeur changeante, la vieille dame, tout sucre tout miel au premier abord, compare son prisonnier au petit-fils qu'elle n'a jamais eu, avant de faire montre par moments d'une grande autorité, voire d'une certaine cruauté.

    Plus léger que l'air – pas vraiment un polar d'ailleurs, bien qu'il ait fait partie d'une sélection du Prix SNCF du polar – est un exercice de style original, un pari osé mais somme toute plutôt réussi. En imaginant ce huis-clos, Federico Jeanmaire a fait la part belle à la psychologie des personnages, sans pour autant oublier d'instiller une petite dose de suspense dans son récit.

    /5