Le Bal des vipères

(Baile con serpenties)

  1. Pour qui sont ces serpents…

    Par envie, Eduardo Sosa tue Jacinto, un mendiant vivant dans sa Chevrolet avec quatre serpents, avant d’endosser son identité. Eduardo décide de profiter de sa nouvelle existence, mais ces adorables vipères ont très envie d’user de leur venin…

    Horacio Castellanos Moya signe avec ce Bal des vipères un ouvrage atypique. Et encore, le terme semble bien insipide à la lecture de l’opus. Cent cinquante pages, une plume lapidaire, des psychologies à peine brossées, et des parties qui s’articulent autour des points de vue des divers protagonistes. En ce qui concerne le fond, l’originalité est encore plus prononcée : des reptiles doués de la parole, sachant donner du plaisir physique aux hommes ! Avec ses nouvelles compagnes, Eduardo ne va pas tarder à semer le chaos dans la ville, avec des agressions et d’autres péripéties improbables, au point que la situation de « simple » balade va tourner au chaos total. Des explosions, des mafieux terrorisés, des dirigeants politiques persuadés qu’un complot se trame, des policiers déboussolés par le chemin tracé par le tueur et ses affreuses bestioles…
    Il devient alors inutile d’en dire plus pour cerner ce roman d’Horacio Castellanos Moya : c’est loufoque, burlesque, déjanté. Le récit épouse rapidement des chemins inattendus, bien loin de la situation initiale, crédible, au point que le lecteur peinera dans un premier temps à se positionner. Ce Bal des vipères se situe quelque part entre la satire sociale, le roman policier et le saugrenu. Si ce mélange des genres peut rebuter, il n’en reste pas moins audacieux et réussi.

    Entreprendre la lecture d’un tel OVNI littéraire, c’est la promesse de délicieux instants surréalistes. Même si le ton, notamment à la fin, regagne les rivages du roman noir, il faut apprendre à reconditionner son regard, sa perception, son propre goût. On laisse de côté son rationalisme et on prend un aller-simple vers une aventure inédite et réjouissante.

    /5