Crépuscule

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  • 8/10 Attiré par un nouveau roman de l’illustre Philippe Claudel, alléché par sa couverture sombre, mystérieuse et énigmatique, charmé par son titre aussi mélancolique que décadent, j’ai plongé dans cette histoire et découvert ces personnages durant quelques nuits d’hiver noires et tristes seyantes à l’atmosphère ambiante.

    Roman ou plutôt conte que nous offre l’auteur qui aurait pu commencer son histoire par « Il était une fois, dans un pays fort lointain et à une époque non moins reculée et inconnue… ». Philippe Claudel transporte son lecteur dans un univers et une contrée énigmatiques.

    Dans un village à la frontière d’un Empire, le curé est découvert dans la rue, mort, assassiné, la tête fracassée par une pierre. Le Policier, Nourio, et son Adjoint, Baraj, vont mener l’enquête ou, devrais-je dire, un semblant d’enquête. Car ce qui obsède Nourio, ce n’est pas la recherche de la vérité, la quête de la lumière sur cette affaire. Non, ce qui l’obsède, guidé par les pulsions qui le démangent en dessous de la ceinture, c’est la témoin de l’affaire, la très jeune Lémia. Et oui, vous l’avez bien compris, de la vérité Nourio s’en branle carrément, et dans tous les sens du terme. Car outre ses excès incontrôlés de libido, Nourio s’accommode de toute explication que les autorités locales voient comme vraie et véritable. Car dans cette contrée, la tension entre musulmans et chrétiens est palpable. Car qui d’autres que des non-chrétiens peuvent s’en prendre à l’autorité cléricale ? Et la fuite du médecin musulman ne fait que confirmer cette théorie. Et d’ailleurs, toute tension n’est que prémices à la violence.

    Un roman que j’ai réellement aimé même avec ses longueurs, ses personnages aux comportements déviants, immoraux, opportunistes,… avec sa fin bien amenée. Crépuscule c’est un avant-goût de la fin d’une période de lumière, de vie : dans ce livre règne une atmosphère de fin de civilisation, où plus rien n’est conforme aux attentes du monde, où le monde n’attend plus rien que le retour impossible du jour et de la vie. Une allégorie de notre temps.

    27/12/2023 à 13:35 JohnSteed (552 votes, 7.7/10 de moyenne) 3

  • 6/10 Du même auteur, j'avais beaucoup aimé Les âmes grises ainsi que Le Rapport Brodeck. Je n'ai pas été aussi convaincu par ce titre, qui commence comme un polar « classique », avec le meurtre du prêtre, assassiné d'un coup de pierre, avant d'osciller entre roman historique et fantasmagories. L'auteur fait la part belle aux superstitions, à l'onirisme... avec des touches d'humour surgies un peu à l'improviste et des passages carrément libidineux (le policier se masturbe beaucoup) qui m'ont un peu fait penser au style décalé d'Arto Paasilinna. Ça se lit bien, mais c'est un peu curieux, eu égard aux précédents romans de l'auteur, et on reste un peu sur sa faim au niveau de l'enquête proprement dite.

    15/12/2023 à 18:30 Hoel (1141 votes, 7.6/10 de moyenne) 5

  • 7/10 Crépuscule est un roman noir pour son thème sombre, pessimiste qui se déroule à la veille de grands bouleversements qu'on devine violents et tragiques. L'histoire se situe certainement vers la fin du XIXe siècle, dans un territoire qui pourrait être balkanique ou slave. Ça se passe en hiver, dans un froid glacial, neigeux, gris et triste. Les religions chrétienne et musulmane vivent en bonne intelligence jusqu'à la mort violente du curé. Cet évènement servira de prétexte à des manœuvres aussi basses que machiavéliques ourdies par d'obscures élites. L'auteur décrit avec talent toute la vilénie et la lâcheté que peut produire l'homme, homme en tant que genre puisque dans ce roman, la femme n'a pas droit au chapitre. Elle est cantonnée, à travers seulement deux personnages, à un objet de reproduction ou de désirs luxurieux. A de rares exceptions, tous les protagonistes se valent en veulerie, bassesses et manigances. Ils sont violents, ivrognes, égoïstes. Écrite avec un indéniable talent littéraire, l'histoire m'a paru un peu déséquilibrée, une première partie prenante avec la survenance de plusieurs incidents qui font vivre le récit. La deuxième partie est beaucoup plus descriptive, et même si le style est remarquable, quelques longueurs alourdissent la lecture. Il y a peu d'espoir dans le genre humain sauf celui qui émane à travers un adjoint de police rustre mais poète, le seul à avoir de la dignité et de la compassion. L'autre source de la maigre lumière qui cherche à transpercer la noirceur ambiante est une jeune fille dont le courage et la volonté donnent finalement sens au roman, qui se révèle être un fine analyse sociologique et politique sur la manipulation des masses et l'exploitation de faits ou de circonstances imprévus.

    05/06/2023 à 10:43 Surcouf (362 votes, 7.2/10 de moyenne) 5