La Cabane aux confins du monde

Knock at the Cabin (The Cabin at the End of the World)

  1. Dilemme d’apocalypse

    Alors qu’elle est en vacances avec ses deux parents, Wen, sept ans, voit venir vers elle un parfait inconnu, Leonard. Un colosse calme et poli, et qui est accompagné de trois autres personnages – Adriane, Sabrina et Redmond, munis d’outils rudimentaires et hybrides qui ressemblent à des arbres. Cet étrange quatuor a une bien étrange déclaration à leur faire : « Nous sommes ici pour empêcher l’apocalypse ». Et seule une décision prise par Eric, Andrews et Wen pourra empêcher la fin du monde.

    Peut-être que certains reconnaîtront ce scénario puisqu’il a donné lieu à une adaptation cinématographique sous le titre Knock at the Cabin et réalisée par M. Night Shyamalan. Ce roman de Paul Tremblay séduit dès les premières pages, avec une ambiance pesante, délicieusement anxiogène et avec une tension qui va crescendo. Le fait d’avoir placé une gamine au centre du récit est une idée brillante et, même si l’histoire s’apparente souvent à un récit choral, c’est bien cette enfant espiègle, vive et d’une rare lucidité qui est la protagoniste principale, au moins au début. Paul Tremblay a également eu la finesse de casser les codes habituels du genre. Les parents de Wen sont-ils d’indestructibles héros ? Non : homosexuels, Eric et Andrews présentent des failles, l’un d’entre eux souffrant encore d’une ancienne commotion cérébrale. Wen est-elle elle-même exemplaire ? Non, à nouveau : adoptée, ayant souffert d’un bec-de-lièvre, son esprit brillant ne la rend pas pour autant édifiante. Ces Quatre Cavaliers de l’Apocalypse sont-ils de pures brutes et d’authentiques terreurs ? Toujours pas : ce sont des êtres lambda, porteurs d’un message dont ils ne voulaient pas et à qui on a assigné une mission qui les dépasse. L’auteur conduit alors un récit trouble, équivoque, où l’accent est porté sur la psychologie des individus charriés par cette incroyable histoire. Les scènes d’action y sont particulièrement rares et lorsqu’elles émergent, elles n’en sont que plus puissantes et féroces. Il faut dire que Paul Tremblay n’épargnera pas ses personnages jusqu’au final, très ouvert et – une fois n’est pas coutume – très différent de celui proposé par son adaptation pour le grand écran.

    Un ouvrage unique et déroutant, d’une rare force de percussion dramatique, où l’écrivain brouille les pistes et désarçonne par ses choix. Un très grand thriller même si certains lui reprocheront peut-être cet épilogue, ce qui ne lui enlève nullement l’intelligence de son pitch et la portée des questions qui s’imposeront d’elles-mêmes aux lecteurs.

    /5