La Route du lac

  1. Le Maître du jeu

    Blaches, un paisible village. Son lac, son art de vivre, son habitat authentique, ses habitants qui se connaissent tous. Et son bar où le samedi 21 avril 2018, on fête l’anniversaire d’un étudiant. Dès le lendemain, on se rend compte que ce petit paradis terrestre n’en est pas un : une morte, un blessé amnésique et un disparu. L’enquête, confiée aux gendarmes, va mettre en lumière de sordides histoires, mais elles ne sont rien à côté du mécanisme qui a broyé cette frêle communauté.

    Xavier Massé nous revient, toujours chez l’éditeur Taurnada, avec ce thriller de haute volée. L’histoire paraît de prime abord assez classique, voire simple : est-ce une soirée qui a dégénéré ? Un contentieux entre ces jeunes qui a viré au drame ? Un secret qu’un criminel a tâché de conserver ainsi ? L’auteur est allé bien plus loin que ces hypothèses : il a élaboré un récit dédaléen mais solide – et surtout crédible –, où chacun des protagonistes va jouer un rôle déterminant. Les personnages sont nombreux mais suffisamment caractérisés, et l’on retient surtout celui de Rémi, brave gars déficient, fan de course à pied et très attaché à la musique qu’il écoute presque en permanence, si ouvert aux autres qu’il passe son temps à proposer des free hugs à toutes les personnes qu’il croise. Le roman, presque choral, est une véritable réussite, avec une construction volontairement dispersée, accumulant les analepses, les reconstitutions d’événements antérieurs, et les accumulations de points de vue différents sur une même action pour faire jaillir une vue panoptique sur les événements. Indéniablement, Xavier Massé s’est surpassé dans le domaine, et si certains passages semblent toutefois un peu chargés ou complexes, l’ensemble n’en demeure pas moins un modèle du genre, proche des écrits de Patrick S. Vast. Une mise en lumière crue des faiblesses autant que des interactions humaines, où les individus peuvent rapidement être dépassés et broyés par la machine infernale qu’ils ont enclenchée, même involontairement. Oh, un détail : il est fort probable que vous ne mangerez jamais plus de maïs sans penser à l’un des rebondissements de ce livre.

    Un ouvrage particulièrement tendu et nerveux, à la fois concis et d’une rare densité.

    /5