Béthune, 2 minutes d'arrêt

  1. Déraillements en série

    Après être sortie du train, Charline Wartel se rend compte qu’elle a oublié dans son wagon ses effets personnels, parmi lesquels ses papiers, son téléphone et ses clefs. Elle tente de regagner sa place, mais le train vient de repartir. Ce qu’elle ignore, c’est que quelqu’un, Marc Jamet, a déjà tout récupéré. Pour en faire quoi ? Il ne sait pas précisément. Il a juste envie de s’amuser un peu. Juste un tout petit peu. Mais certains divertissements d’adultes peuvent rapidement tourner au drame…

    Après le très bon La Veuve de Béthune, Patrick S. Vast signe un nouveau roman à suspense de qualité. On y retrouve les ingrédients qu’il avait employés dans son précédent ouvrage : situation simple, personnages dépassés par les événements, et une mécanique scénaristique implacable. Dès les premières pages, le ton est donné : les phrases sont sèches, les protagonistes décrits rapidement, et les multiples drames en puissance sont déjà sur le point de surgir. En moins de cent trente pages, l’écrivain est parvenu à donner vie à des individus crédibles, auxquels on s’attache ou on s’identifie sans difficulté. Des êtres lambda, parfois hachés par la vie, mais toujours avec ce qu’il faut de vraisemblance pour s’imaginer que ce récit est inspiré d’un fait divers. Patrick S. Vast exploite à nouveau les thèmes de l’usurpation d’identité, des complexes relations avec autrui, et maîtrise avec brio cette intrigue qui commence comme un événement si anodin pour rapidement devenir une tragédie en plusieurs actes. Ici, ce qui frappe encore plus que dans La Veuve de Béthune, c’est l’apparente banalité des personnages, pour ne finalement retenir que le mécanisme de leur lente destruction. Des créatures fragiles, persuadées que les catastrophes n’arrivent qu’aux autres, et qui se retrouvent confrontées à des épreuves qui dépassent leur malheureux entendement. À n’en pas douter, Patrick S. Vast a orchestré une remarquable machination, terrible escalier au nombre de marches encore inconnu au fur et à mesure que les personnages les dégringolent. Une lente annihilation, qui éclate à la fois par son originalité et sa crédibilité, au point que le lecteur ne pourra que fermer le livre et se demander ce qu’il aurait fait si cela lui était arrivé.
    Une narration impeccable, un récit lapidaire et maîtrisé, et encore une fois, cette aptitude si naturelle à croquer des êtres humains dans des situations singulières. Inutile d’en écrire plus : Patrick S. Vast parvient, en ce qui le concerne, à faire très bien avec peu de mots.

    /5