Les Anges s'habillent en Caillera

  1. Un polar « Seine-Saint-Denis style » de Rachid Santaki

    Ilyès, plus connu comme « le Marseillais », est l'un des plus brillants voleurs à la ruse de la région parisienne. Il observe une personne composant son code bancaire puis provoque une situation rendant possible un échange de cartes bleues. Le temps que la victime s'en aperçoive, son compte a été vidé.
    Après dix-huit mois passés derrière les barreaux à Villepinte, il retrouve la liberté avec une seule obsession : faire comprendre à la balance qui l'a envoyé à l'ombre qu'elle a fait une grave erreur en le donnant aux flics.

    Les anges s'habillent en caillera marque le début d'une collaboration entre l'éditeur Moisson rouge et Le Syndikat, une association qui souhaite « promouvoir la lecture et l’écriture » dans les cités et défendre la « littérature urbaine contemporaine ». Pour inaugurer cette collection, le choix de Rachid Santaki n'est pas anodin. Touche-à-tout hyperactif – boxe, hip-hop – et déjà auteur de La petite cité dans la prairie, il veut contribuer à redorer l'image des banlieues par ses diverses activités, dont l'écriture.
    Le Marseillais existe vraiment et l'auteur a déjà eu l'occasion de le rencontrer à plusieurs reprises. En ancrant son intrigue à Saint-Denis – la ville est sans doute le personnage principal du roman – et en faisant le choix de s'inspirer très fortement de quelqu'un existant vraiment, Rachid Santaki accentue volontairement l'aspect réaliste de sa fiction. Des quartiers à la prison, autant d'endroits où l'on se retrouve plongé grâce aux descriptions de l'auteur, qui font souvent mouche. De vrais articles de presse à propos de certains faits divers s'étant déroulés à Saint-Denis, intercalés entre les chapitres, viennent confirmer cette impression d'ultra-réalisme. La trame du texte a beau être simple et déjà vue – le héros qui veut se venger de celui qui l'a trahi, un grand classique –, la sauce prend, en partie grâce à la qualité des protagonistes. Si le Marseillais joue évidemment un rôle central dans l'histoire, le personnage de Stéphane est sans doute le plus réussi. Aussi carriériste que ripou, ce policier bad boy ne craint pas de faire dans l'illégal, du moment que cela serve ses intérêts. L'écriture de Rachid Santaki, très orale, où se côtoient verlan et arabe, achève d'immerger le lecteur en plein 9-3. Les non-initiés au parler de la cité regretteront l'absence d'un lexique ainsi que la non-traduction de certains passages en arabe. Nonobstant, le roman se lit très bien et sa construction intelligente permet de maintenir une tension narrative certaine. Le lecteur quelque peu connaisseur de culture hip-hop pourra savourer les clins d'œil à certains titres de rap disséminés au fil du texte (une playlist est même proposée à la fin du livre, par ailleurs joliment préfacé par Oxmo Puccino).

    Rachid Santaki signe avec Les anges s'habillent en caillera un roman noir réussi ayant pour cadre la ville de Saint-Denis. Espérons qu'il donne envie à d'autres auteurs des banlieues de se lancer dans l'écriture.
    Signalons aussi qu'une série littéraire mettant en scène Sofiane, le cousin du Marseillais – un personnage secondaire du roman – a été mise en ligne avant la sortie du roman. Ce feuilleton, co-écrit par Rachid Santaki, ainsi que d'autres bonus sont disponibles sur le site du livre .

    /5