Le Piège

(The Plot)

  1. L’Ombre d’Evan Parker

    Jacob Finch Bonner a été l’auteur du roman L’Invention de l’enchantement, mais aucun autre ouvrage de cette envergure n’a suivi. De velléités littéraires en déceptions successives, il a fini par baisser les bras et animer un cours d’écriture dans une université du Vermont. Un jour, l’un de ses étudiants, Evan Parker, l’étourdit avec une histoire stupéfiante : même un écrivain médiocre deviendra célèbre et médiatisé avec un tel récit. Plus tard, Jacob apprend qu’Evan est décédé d’une overdose, aussi profite-t-il de cette opportunité pour s’approprier en secret son scénario et en faire un opus qui devient aussitôt un best-seller. Jusqu’à ce qu’il reçoive un mail qui lui indique qu’il est un voleur…

    Jean Hanff Korelitz, après Un Jury sur mesure et Les Impressions, est revenue avec cet ouvrage encensé par Stephen King, rien de moins, et il est vrai que son histoire est immédiatement prenante. On y découvre Jacob – appelez-le Jake – qui a connu une gloire éphémère avec son bouquin mais n’a jamais pu renouveler ce succès tant critique que public. Il a depuis côtoyé les universitaires aigris, les étudiants égocentrés et sans talent, ou encore les apprentis écrivains qui rêvent tous d’écrire le futur jalon de la littérature américaine sans en avoir les capacités. Il n’hésite donc guère longtemps lorsque se présente cette possibilité de revenir sur le devant de la scène, quitte à poser un discret mouchoir sur la morale. Et c’est alors que cet inconnu va commencer à le harceler, tant par mails ou missives que sur les réseaux sociaux, en blâmant avec force ce plagiat éhonté. Qui est ce mystérieux corbeau ? Jean Hanff Korelitz, en écrivaine chevronnée, connaît par cœur les rouages de l’édition, les affres de la page blanche, les mécanismes de l’écriture, les personnalités contradictoires et parfois peu aimables des autres artistes, et elle nous régale avec ces visions convergentes vers l’univers de l’imagination et de la plume, d’un côté comme de l’autre du miroir. Dans le même temps, même si le pitch peut sembler éculé, elle parvient sans le moindre mal à happer l’attention du lecteur sans jamais la lâcher d’un bout à l’autre de son roman. Les rebondissements se multiplient, notamment dans le dernier tiers du livre, avec de très nombreuses surprises à propos de la famille Parker. Quant au final, il est tout bonnement mémorable : la dernière pièce du puzzle vient s’emboîter dans ce casse-tête résolu avec maestria, apportant un ultime moment mémorable à ce récit diabolique.

    Un pur régal de littérature tant blanche que noire, entrecoupé d’extraits de Réplique, l’opus écrit par Jake mais entièrement inspiré par Evan, qui lui-même s’était nourri de vérités embarrassantes. Une très habile mise en abyme.

    /5