Les Raisons du doute

(Ragionevoli dubbi)

  1. Guerrieri en proie au doute

    Guido Guerrieri est avocat pénaliste à Bari. On l'appelle en prison pour entendre un certain Paolicelli, condamné pour trafic de drogue. L'homme rentre de vacances au Monténégro avec femme et enfant lorsqu'on l'arrête à la frontière italienne. On trouve dans sa voiture pas moins de quarante kilos de cocaïne très pure. Le détenu jure à l'avocat qu'il n'y est pour rien et l'implore de le défendre en appel. Guido s'y refuse dans un premier temps, reconnaissant en Paolicelli le fasciste qui l'avait regardé se faire rouer de coups lorsqu'il était plus jeune. Il est même plutôt ravi du sort qui lui est réservé. Tout va changer lorsque la femme du détenu – une ex-mannequin qui sait se montrer persuasive – lui demande son aide.

    On retrouve dans ce roman Guido Guerrieri, l'avocat déjà croisé dans Témoin involontaire et Les Yeux fermés. Divorcé, sa nouvelle compagne l'a pour ainsi dire abandonné et le voilà plus seul que jamais. Pour tromper l'ennui, il lit beaucoup – tout ce qui lui tombe sous la main – et délivre quotidiennement crochets et uppercuts dans le sac de frappe qui se trouve dans son appartement.
    Comme dans ses précédentes aventures, Gianrico Carofiglio nous donne à voir un personnage mi-héros mi-looser auquel il est difficile de ne pas s'attacher. Guido, par l'intermédiaire duquel on suit cette histoire est certes un avocat, mais avant tout profondément humain : il ne supporte pas l'injustice et peut être qualifié d'homme de conviction. Loin d'être parfait, il a aussi ses failles, ses doutes, et a parfois du mal à se regarder dans la glace. Dans cet opus, il doit se faire violence pour défendre un homme qu'il hait profondément, mais bien conscient que la justice l'a condamné trop vite.
    Juge antimafia et sénateur, Gianrico Carofiglio n'a pas son pareil pour nous donner à voir l'envers du décor de la justice italienne. Prison, procédure, procès : tout y est maîtrisé et sent le vécu, sans pour autant jamais ennuyer le lecteur. On se prend rapidement au jeu, se demandant si l'avocat parviendra à éviter à Paolicelli une lourde peine. Pas de temps mort, on vibre aux côtés de Guido, aussi bien dans la poursuite de son enquête que dans sa vie personnelle et affective. On rit aussi beaucoup, et l'ironie de ses réparties mentales, en complet décalage avec ce qu'il répond vraiment, nous offre des dialogues pas piqués des vers.

    Les raisons du doute est au final un très bon roman noir, comme l'étaient les précédentes enquêtes de Guido Guerrieri. En quelques romans, l'Italien Gianrico Carofiglio a prouvé qu'il était un des auteurs européens sur lesquels il faut désormais compter et dont chaque traduction est attendue avec une certaine impatience.

    /5