El Sid

  1. Pour quelques caisses d'or de plus

    Sidney Starman est un retraité anglais qui coule chez lui des jours plutôt paisibles. Il fait par hasard la connaissance de Lenny Knowles, tout juste sorti de prison. Ce dernier sent le bon coup et décide, bientôt accompagné de Nick Crick, son compagnon de cellule, de rendre service au vieil homme en échange d'une mention sur le testament. Avant de mourir, Sidney veut revoir l'Espagne où il s'est vaillamment battu en 1936, au sein des Brigades Internationales. Il veut y retourner pour le souvenir, pour une sorte de rédemption, mais aussi parce qu'il pourrait encore s'y trouver une grande quantité d'or, cachée dans les montagnes pendant la guerre d'Espagne. Les trois hommes prennent donc le bateau sans se douter qu'ils embarquent pour de nombreuses (més)aventures.

    Comme dans Alligator Strip, son précédent roman publié en France, Chris Haslam nous fait suivre le parcours semé d'embûches d'une bande de losers qu'il arrive peu à peu à rendre attachants. Lenny pense être un cerveau mais ne l'est pas, veut toujours être le chef et a un faible pour la bouteille et les femmes. Nick est tout l'inverse : il est surdiplômé, pleutre, et se demande ce qu'il est venu faire dans cette histoire. Quant à Sidney, plus vigoureux qu'il n'y paraît (il se baigne encore dans les lacs de montagne, d'où une scène aussi désopilante que mémorable), on ne la lui fait pas malgré son grand âge. Et puis El Sid a un moyen de pression sur ses deux accompagnateurs : il n'y a que lui qui sache où se trouve l'or. Les deux lascars fraîchement libérés s'avèrent être des gaffeurs nés et certaines de leurs tentatives vite avortées prêtent vraiment à rire, comme ce braquage d'une station-service des plus hilarants. Chris Haslam excelle dans les scènes d'action et arrive toujours à nous arracher un sourire, même dans les situations qui semblent s'y prêter le moins.
    Avec ce roman, basé sur des faits historiques faisant débat – il semblerait qu'une centaine de caisses d'or ait vraiment disparu entre Madrid et Moscou – il nous montre aussi une autre facette de son talent de conteur. Par de nombreux flashbacks, l'auteur mêle de manière fluide passé et présent et fait revivre à Sidney sa guerre d'Espagne. Dans ces passages, le ton devient moins comique, le propos plus grave et des réflexions sont amorcées. Qu'est-ce que l'engagement ? Quelle place pour l'humain dans la guerre ? Autant de questions auxquelles Chris Haslam ne prétend pas répondre mais qu'il illustre en confrontant El Sid et les autres belligérants à certaines situations. Dans le passé, le lecteur vivra donc ce conflit de l'intérieur tandis que de l'autre côté les scènes rocambolesques se succèdent sur un bon rythme, le tout suivant toujours le même fil rouge : l'or de Moscou.

    Avec El Sid, roman noir tirant parfois sur le western, Chris Haslam confirme qu'il est un de ces rares auteurs capables de provoquer le fou rire. Il ajoute même une corde à son arc, prouvant qu'il sait aussi parler de sujets plus graves non sans talent. Faire découvrir au lecteur certains aspects peu connus de la guerre civile espagnole tout en le faisant rire à gorge déployée : tel est le tour de force littéraire réalisé par ce globe-trotter du polar qu'est Chris Haslam.

    /5