Meurtre avec (pré)méditation

(A Meditation On Murder)

  1. Les mystères de l’Espace Méditation

    Aslan Kennedy tient, avec son épouse, un centre de remise en forme à Sainte-Marie, une île des Caraïbes. Dans ce qui est appelé « Espace de Méditation », il est avec cinq autres personnes, presque des patients, heureux de recevoir des soins d’ordre zen. Mais un drame a lieu : Aslan est assassiné de plusieurs coups de couteau, et c’est Julia Higgins, l’arme dans la main, qui s’accuse aussitôt du crime. Le cas est presque résolu sur-le-champ, sauf que l’inspecteur-chef Richard Poole n’aime pas ça, les affaires trop évidentes…

    Si le cadre ou le nom de Richard Poole vous disent quelque chose, c’est normal : c’est en effet à Robert Thorogood que l’on doit la série télévisée Meurtres au Paradis. Ici, sur un scénario jamais porté à l’écran, on retrouve donc cet enquêteur so british, transplanté dans le décor idyllique des Caraïbes, attaché à son élégance vestimentaire et au soin presque maniaque de sa maison, mais qui ne s’est toujours pas fait à ce lieu. Tout y est « trop » : le climat chaud, la nourriture épicée, la faune locale envahissante (notamment Harry, ce lézard vert). Et « trop », c’est aussi ce qui caractérise cet assassinat dès lors qu’on l’y adjoint l’épithète « facile ». En limier pugnace et perspicace, Richard – que l’on ne s’étonne guère de l’appeler par son prénom tant il est rapidement sympathique – va se démener pour s’assurer qu’il n’y a pas eu une manipulation. Les rebondissements seront fort nombreux, depuis la découverte du passé d’escroc d’Aslan, expert de la pyramide de Ponzi, à ceux de quelques-unes des personnes présentes à ses côtés dans ce cabanon fermé de l’intérieur, en passant par d’autres découvertes habiles et inattendues. On se régale de la décontraction de l’ouvrage, où Richard est parfois inénarrable, comme son effroi lorsqu’il découvre un morceau joué à la flûte de Pan, la scène où il tient, très fier, un ballon gonflé à l’hélium avant de se lancer dans une démonstration scientifique, son embarras de quadragénaire n’ayant visiblement jamais pratiqué l’acte sexuel, ou son entêtement à vouloir comprendre la raison de la présence d’une punaise sur les lieux du crime. Il flotte, tout au long de ce livre, un humour exquis, délectable, tant appréciable en ces temps de thrillers poisseux et outranciers et, même si l’on peut reprocher à l’écrivain quelques dialogues agaçants (des « Quoi ? » et autres « Comment ça ? » surnuméraires), Robert Thorogood nous charme avec cette intrigue très bien conçue, réservant notamment un clin d’œil appuyé à Agatha Christie tout en sachant, dans l’épilogue, fournir une résolution originale et très crédible de ce meurtre en chambre close.

    Un roman délicieux et fort distrayant, que l’on savoure d’un bout à l’autre. Voilà qui donne très envie de se jeter sur Falaise fatale, l’autre ouvrage consacré à Richard Poole et également paru chez J’ai lu.

    /5