Diablo Corp.

  1. Du virtuel au réel : la nouvelle complainte de Ouang Schock

    Bienvenue à Ouang Schock ! En ce milieu de vingt-et-unième siècle, cette ville est l'une des plus insalubres et criminelles qui soient. L'époque est dédiée à l'image, télévision ou jeux vidéo. Pas de pitié, pas de salut. Chaos, violence, drames. Un des cercles de l'Enfer. Même les policiers peuvent vendre des informations aux grands médias pour arrondir leurs fins de mois. En cette année 2049, on retrouve les corps de trois gamins qui étaient férus de jeux vidéo. Dans le même temps, des attentats ensanglantent la cité. Y a-t-il un lien ? Le flic Wayne Cassidy est mis sur l'enquête. Pas de quartier, pas de remords, il faut passer à l'acte et remuer la fange qui étouffe Ouang Schock. Quitte à se couvrir les mains d'hémoglobine. Quitte à déranger les plus hautes sphères de la ville.

    Second opus des chroniques de Ouang Schock après Carotides Blues, ce roman poursuit l'objectif littéraire souhaité par Ludovic Roubaudi : la description d'une ville crépusculaire et glauque. A cet égard, cette dernière fait quasiment office de personnage principal, avec ses us et coutumes, règles, détails économiques et descriptions d'outre-tombe. On baigne en plein cauchemar éveillé, quelque part sur le fil du rasoir entre Babylone et Gotham City. D'ailleurs, un blog permet d'expliquer le fonctionnement de Ouang Schock et offre la possibilité aux internautes de participer à cette aventure, offrant donc une interactivité bien plus étoffée que celle de Level 26 où le lecteur demeure un simple spectateur. L'intrigue est très originale et soignée, avec une piste très intéressante, exploitée avec maestria par Ludovic Roubaudi. La langue est rêche, presque sauvage, et l'on bascule d'un chapitre au suivant au gré de divers points de vue (celui de Wayne Cassidy, des informations fournies par les médias, les références sociologiques à la cité, etc.). Les personnages sont tous sombres, au point qu'il est absolument impossible d'en parler comme de héros. Traumatisés, en butte à un territoire qui leur échappe, ils sont à l'image de Ouang Schock : enténébrés. Clef de voûte humaine de cet édifice littéraire, Cassidy est particulièrement marquant, ancien champion des combats sans règles et dont la femme est devenue un légume humain.

    A n'en pas douter, Diablo Corp. est un ouvrage majeur, aussi inquiétant que mémorable. Ludovic Roubaudi a réussi un coup de maître : créer une série inoubliable à l'ambiance pénétrante. Il ne reste plus qu'à espérer des suites de la même tenue !

    /5