Carotide Blues

  1. Les ténèbres de Ouang Shock

    Au cœur du vingt-et-unième siècle, la mégalopole de Ouang Shock s'est développée et est devenue une cité monstrueuse. Repaire de l'argent, du crime et de la débauche, véritable Babylone des temps futurs, cette ville est au carrefour de tous les vices et de toutes les tentations. Ashelle Vren, jeune journaliste sur Télé7, est appâtée par une macabre découverte : un grand nombre de fœtus a été découvert. Tandis qu'elle se lance sur cette enquête qui pourrait lui permettre d'accéder aux plus hautes strates de la presse télévisuelle, elle ignore encore à quel point elle vient de basculer dans un univers qui la dépasse et qui pourrait bien se servir d'elle pour assouvir des desseins insoupçonnés.

    Premier volet des chroniques de Ouang Schock, Carotide Blues, sous la plume de Ludovic Roubaudi, permettait d'inaugurer l'une des plus palpitantes et prometteuses série du genre. Prenant pied dans une cité construite de toutes pièces par l'auteur, le lecteur se surprend à être magnétisé par cette métropole bâtie sur le territoire chinois. Économie, industrie, politique, sphères financières, médecine, législation : c'est un portrait saisissant que Ludovic Roubaudi fait de Ouang Shock. Et le plus incroyable dans cette description méticuleuse, c'est son degré de réalisme : l'auteur a certainement passé beaucoup de temps à imaginer ce terreau, mélange de rêves et de cauchemars, pour y planter le décor de son œuvre. Par-delà le lieu, l'intrigue est aussi très riche, et amène le lecteur à côtoyer des trafics inavouables, des cénacles d'influence étouffants, des personnages d'un rare machiavélisme. On y découvre Ashelle Vren, à la fois fragile et combative, minée par le sort de son père qui a besoin au plus vite d'une double greffe, tandis qu'apparaît Wayne Cassidy, policier que l'on découvrira en personnage central de Diablo Corp.. Il faut attendre les dernières pages pour comprendre l'ampleur de la manipulation, à la fois brillante, diabolique et écœurante, ménageant un remarquable suspense entretenu également par des rebondissements intelligents, une écriture alerte et une ambiance ténébreuse.

    A n'en pas douter, Ludovic Roubaudi a réussi un coup de maître. Voyager dans Ouang Shock, c'est dériver lentement vers les rivages les plus sombres de l'âme humaine, où tout s'achète et tout se vend, de la dignité à la chair humaine en passant par les ultimes illusions d'une population affranchie de ses repères moraux. Étonnant, violent, glauque, les qualificatifs pour une telle œuvre ne manquent pas, mais il y en a surtout un qui s'impose : unique.

    /5