La Maldonne des Sleepings

  1. Le Dormeur du rail

    Train 223, voiture 96. Antoine y occupe le poste de couchettiste, et s’occupe des clients du train qui les mène à Venise. Un quotidien sans grand attrait, ponctué de situations maintes fois vues. Jusqu’à ce qu’une banale histoire de portefeuille volé l’amène à faire la rencontre de Jean-Charles Latour, un étrange personnage, fatigué et malade, que de nombreuses personnes semblent vouloir récupérer. Dès lors, difficile d’éviter la sortie de rails…

    Il s’agit du premier opus de la quadrilogie consacrée à Antoine Andrieux, écrite par Tonino Benacquista. Un ouvrage court où le ton est donné dès les premières pages. L’auteur use d’une langue simple et courante, et s’autorise de nombreuses parenthèses quant au métier de son protagoniste : la routine (oserions-nous dire le train-train ?), bien loin des visions fantasmées et autres ors de l’Orient-Express, et parfois émaillé de quelques saynètes divertissantes, juste histoire de casser les automatismes d’un emploi sans panache. On découvre donc Antoine, qui est tout sauf un héros : un individu jeune, lambda, gentiment bigame, tout autant capable de beaux élans d’altruisme comme de vertes colères, d’où son surnom, « l’aboyeur ». Mais quand il va faire la rencontre de Jean-Charles Latour, un être piteux, constamment épuisé, et qui fait l’objet de voraces convoitises, tout va partir en sucette. Le ton de Tonino Benacquista est résolument comique et sarcastique, au point que le « Jean-Bernard » à qui il dédie ce roman ne saurait être autre que le mythique Jean-Bernard Pouy. On assiste alors à de savoureux échanges entre Antoine et les usagers ainsi qu’avec son ami Richard, et c’est un métier méconnu dont on découvre l’ordinaire. L’intrigue est intéressante, notamment lorsque l’on découvre la raison pour laquelle ce famélique Latour intéresse tant de personnes, et il est dommage qu’elle s’effiloche rapidement juste après : pas mal de digressions se succèdent, pas toujours en rapport avec le cœur du scénario, au point que l’histoire ressemble, notamment vers le dernier tiers du livre, à un train que l’on voit partir tandis que l’on est resté à quai.

    Un livre globalement réussi et très divertissant, mais qui s’égare parfois dans des à-côtés superflus. Néanmoins, par sa verve, Tonino Benacquista nous a donné l’envie de lire les autres ouvrages de cette série, à savoir Trois carrés rouges sur fond noir, La Commedia des ratés, et Les Morsures de l’aube.

    /5