Guillaume et Christelle Dumont. Deux enfants. Il est comptable dans une entreprise de pêche à Sète, elle femme au foyer. Un jeune couple sans histoire. Cependant, un vendredi soir, à la fin du mois de juin, tout bascule. Sur l’autoroute A31, Christelle a un accident de voiture. Elle est seule dans le véhicule. Que faisait-elle si loin de chez elle ? Retour en arrière. Le matin même, Guillaume est appréhendé par les gendarmes. Lentement, l’indicible s’écrit.
Il s’agit là du premier roman d’Agnès Laurent, mais l’on peine à le croire tant il est maîtrisé. Tout commence comme un fait divers, d’une banalité affligeante, mais sous le vernis de la platitude, couve une situation tragique. En reprenant le cours de la chronologie au matin de l’accident, le lecteur en apprend davantage sur cette famille Dumont. Un bonheur sans nuage ? Une joie réciproque ? Un éden domestique ? Pas si sûr… Graduellement, par lents paliers, en alternant les points de vue, on se rend compte qu’au-delà des apparences, quelque chose cloche. Le bistrotier où Guillaume a l’habitude de prendre son café avant de se rendre au travail, l’autostoppeur rencontré par Christelle dans sa fugue, le voisinage du couple, un simple conducteur, Christelle dans sa Renault 21, Guillaume aux prises avec les gendarmes qui veulent le pousser à avouer un énigmatique crime dont il ignore tout : l’éclairage est pluriel, les éclats de vie nombreux, et il faudra un peu moins de deux cents pages avant que la luminosité n’en devienne scialytique et le puzzle complet. L’écrivaine, journaliste à L’Express, est spécialiste des faits divers et de société, et ce livre montre clairement sa connaissance de ce type de cas criminels. L’écriture est haletante, épuisée, presque suffoquée, avec des phrases sans effets, un vocabulaire élémentaire, une ponctuation réduite à sa plus simple expression. Tout se situe à la hauteur des individus dépeints, et c’est avec une crédibilité puissante, presque sidérante, que l’on passe de l’autre côté du miroir. Vers la déchéance. Vers la folie. Le point de bascule est remarquable de vraisemblance, il ne faut à Agnès Laurent que quelques mots, délibérément ordinaires, délibérément toxiques, pour que l’on chavire dans l’aliénation, le sordide, et, paradoxalement, l’humain dans ce qu’il y a de plus primitif. Car, si quelques éléments sous-entendaient un dysfonctionnement – évitons de les révéler ici, ils viendraient désamorcer la découverte explosive de la catastrophe, nul ne pouvait s’attendre à quelque chose d’aussi dur, d’aussi cru. Et c’est la gorge nouée et les tripes vrillées que l’on achève ce roman, noir comme jamais, dont les deux derniers mots – une épitaphe – viennent éclairer cette horreur d’une lueur mordante.
Certains auteurs en font parfois trop pour décrire l’innommable, avec force effusions d’abominations peintes avec naturalisme et pléthore de détails. Agnès Laurent choisit une voie singulièrement différente : élémentaire, fluide, plausible, sans voyeurisme ni jugement moral. A coup sûr, un ouvrage remarquable, hanté par des ténèbres que l’on n’est pas près d’oublier.
Guillaume et Christelle Dumont. Deux enfants. Il est comptable dans une entreprise de pêche à Sète, elle femme au foyer. Un jeune couple sans histoire. Cependant, un vendredi soir, à la fin du mois de juin, tout bascule. Sur l’autoroute A31, Christelle a un accident de voiture. Elle est seule dans le véhicule. Que faisait-elle si loin de chez elle ? Retour en arrière. Le matin même, Guillaume est appréhendé par les gendarmes. Lentement, l’indicible s’écrit.
Il s’agit là du premier roman d’Agnès Laurent, mais l’on peine à le croire tant il est maîtrisé. Tout commence comme un fait divers, d’une banalité affligeante, mais sous le vernis de la platitude, couve une situation tragique. En reprenant le cours de la chronologie au matin de l’accident, le lecteur en apprend davantage sur cette famille Dumont. Un bonheur sans nuage ? Une joie réciproque ? Un éden domestique ? Pas si sûr… Graduellement, par lents paliers, en alternant les points de vue, on se rend compte qu’au-delà des apparences, quelque chose cloche. Le bistrotier où Guillaume a l’habitude de prendre son café avant de se rendre au travail, l’autostoppeur rencontré par Christelle dans sa fugue, le voisinage du couple, un simple conducteur, Christelle dans sa Renault 21, Guillaume aux prises avec les gendarmes qui veulent le pousser à avouer un énigmatique crime dont il ignore tout : l’éclairage est pluriel, les éclats de vie nombreux, et il faudra un peu moins de deux cents pages avant que la luminosité n’en devienne scialytique et le puzzle complet. L’écrivaine, journaliste à L’Express, est spécialiste des faits divers et de société, et ce livre montre clairement sa connaissance de ce type de cas criminels. L’écriture est haletante, épuisée, presque suffoquée, avec des phrases sans effets, un vocabulaire élémentaire, une ponctuation réduite à sa plus simple expression. Tout se situe à la hauteur des individus dépeints, et c’est avec une crédibilité puissante, presque sidérante, que l’on passe de l’autre côté du miroir. Vers la déchéance. Vers la folie. Le point de bascule est remarquable de vraisemblance, il ne faut à Agnès Laurent que quelques mots, délibérément ordinaires, délibérément toxiques, pour que l’on chavire dans l’aliénation, le sordide, et, paradoxalement, l’humain dans ce qu’il y a de plus primitif. Car, si quelques éléments sous-entendaient un dysfonctionnement – évitons de les révéler ici, ils viendraient désamorcer la découverte explosive de la catastrophe, nul ne pouvait s’attendre à quelque chose d’aussi dur, d’aussi cru. Et c’est la gorge nouée et les tripes vrillées que l’on achève ce roman, noir comme jamais, dont les deux derniers mots – une épitaphe – viennent éclairer cette horreur d’une lueur mordante.
Certains auteurs en font parfois trop pour décrire l’innommable, avec force effusions d’abominations peintes avec naturalisme et pléthore de détails. Agnès Laurent choisit une voie singulièrement différente : élémentaire, fluide, plausible, sans voyeurisme ni jugement moral. A coup sûr, un ouvrage remarquable, hanté par des ténèbres que l’on n’est pas près d’oublier.