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7/10 Joachim Cantor n’est pas un ado comme les autres. Il a quatorze ans, ses parents sont décédés dans des circonstances obscures, il a été adopté par une famille cagnoise, les Russo, et il a de gros problèmes psychologiques. Plus exactement, il a des amis imaginaires (notamment Wata et Théo), des hallucinations, et ce n’est pas son psy, même sous hypnose, qui parvient à lui trouver des solutions. Il rencontre Aline Hollande, une gamine aussi fracturée que lui, quand la situation se complexifie : des voix provenant des murs, sa mère se matérialisant dans les rideaux de sa chambre, des bruits de raclements, des odeurs de pourriture… Et si ses parents, depuis l’au-delà, lui réclamaient quelque chose ?
De Philip Le Roy, on connaît autant ses ouvrages destinés aux adultes (entre autres Pour adultes seulement, Le Dernier Testament, Evana 4) que ceux adressés aux jeunes (comme son excellente série consacrée à la Brigade des fous). On retrouve l’univers si particulier de l’écrivain, avec des personnages méchamment fissurés, toujours sur le fil du rasoir, en équilibre instable entre la normalité et la folie. Joachim comme Aline composent ainsi un duo d’adolescents particulièrement réussis, aux enfances respectives saccagées, côtoyant des collégiens se comportant parfois comme les membres d’une meute immonde, et devant survivre dans un monde dans lequel ils n’ont jamais demandé de naître. Dans le même temps, les phénomènes inexpliqués qui assaillent Joachim tiennent sacrément la route : des manifestations occultes, rappelant les ambiances délicieusement anxiogènes de Dans la maison ou 1, 2, 3, nous irons au bois. Les références cinématographiques, littéraires et musicales de l’auteur, nombreuses, égaient l’atmosphère, préservant d’agréables oasis dans cette histoire trouble et touffue. De même, les dialogues entre Joachim et Aline, voire les réflexions de Wata, claquent comme des coups de trique, criants de vérité et apportant de belles bouffées d’humour dans un récit très sombre. Cependant, Philip Le Roy surprend, voire déroute, avec un choix scénaristique. La folie de notre protagoniste passe la main à une histoire assez différente, basculant vers une histoire où il est question de judaïsme, d’une secte et de pouvoirs hallucinants détenus par un objet sacré. Certes, cette option est inattendue, mais on a parfois l’impression qu’elle ne colle pas totalement avec l’entame du roman. La greffe prend, les sensations fortes ne manquent pas par la suite, mais il est probable que certains jeunes lecteurs ne goûteront pas nécessairement cette brusque bifurcation.
Un opus qui démontre, une fois de plus, l’étendue du talent de Philip Le Roy dont on attend toujours avec la même impatience les sorties de ses ouvrages, et qui, ici, a opté pour un récit pour le moins surprenant avec ce détournement au beau milieu de son roman.29/11/2021 à 07:06 El Marco (3431 votes, 7.2/10 de moyenne) 2