Rêve de fer

(The Iron Dream)

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  • 9/10 Le postulat de cet ouvrage de SF est assez simple : Adolf Hitler n’a pas connu son atroce destinée politique, et c’est dans le domaine de l’écriture qu’il a réussi. Il a donc signé « Le Seigneur du Svastika », un ouvrage où s’illustre sa haine raciste, son obsession pour le militarisme et l’eugénisme, et sa folie destructrice. Et c’est donc cette histoire, pleine de bruit, de fureur, de sexe et de démonstration belliciste, que je viens de terminer. A priori, la SF, c’est moyennement ma pointure, mais je me suis laissé tenter, histoire de varier mes registres de lecture et également intéressé par ce que donnerait ce livre datant de 1972, et je n’ai vraiment pas été déçu. On y suit les pérégrinations de Feric Jaggar, un surhomme dont le caryotype n’a pas été « corrompu » par le métissage, les altérations raciales, et devient ainsi le chef de file d’un mouvement de reconquête du monde. De multiples allusions presque directes et limpides à la véritable histoire d’Adolf Hitler, tellement nombreuses que je ne vais en citer que quelques-unes (les Dom(inateurs) étant les Juifs, le royaume de Zind l’URSS stalinienne, l’essaimage final de la semence de Feric sa volonté de conquérir la planète). Un récit qui, évidemment, est une parodie de ce qu’a été le nazisme et l’hitlérisme, décalquant les névroses psychiatriques de son présumé auteur et les reportant dans le domaine de la littérature, avec force références psychanalytiques d’ordre sexuel (les objets phalliques, les jouissances) autant qu’à la militarisation et la manipulation guerrière des peuples tant appelées de ses vœux par l’auteur (un exemple dans les ultimes pages : « Toujours plus vite, les troupes tournèrent autour de Feric, lançant leurs bottes en avant avec toujours plus de vigueur et de force, comme pour crever la voûte céleste avec leurs talons ferrés, tandis que les ovations massives soutenaient le rythme de la marche, rafales de tonnerre qui habitaient et secouaient l’univers, battant à l’unisson du sang dans le crâne de Feric »). Feric y compose un individu caricatural de l’aryanité (« un personnage d’une noblesse inattendue et saisissante : un humain pur, grand et puissamment bâti, dans la fleur de sa virilité. Il avait les cheveux dorés, la peau claire, les yeux bleus et brillants. Sa musculature, son ossature et son port étaient la perfection même »). Un ouvrage qui, bien évidemment, est à prendre au ixième degré (il serait stupide d’imaginer cela comme une directe apologie du nazisme) tout en proposant un pastiche de premier ordre, s’embarquant avec intelligence et talent de force dans un avion idéologique pour mieux le détourner et le faire s’écraser. Je le répète, la SF n’est vraiment pas ma came, mais là, j’ai clairement adoré le concept autant que son traitement.

    16/10/2023 à 18:08 El Marco (3428 votes, 7.2/10 de moyenne) 5