Meurtres à Moulinserre

  1. Qui a tué la Castraflore ?

    Pour célébrer son anniversaire, la Castraflore, célèbre cantatrice née sous la plume du créateur de bandes dessinées Hervé, invite ses amis au château de Moulinserre. Tous les personnages sont alors réunis pour cet événement. Fallait-il voir en la mort naturelle de l’arboriste Emile Van Hot puis dans des lettres anonymes de menace de mauvais présages ? Toujours est-il que la chanteuse est retrouvée décédée dans sa salle de bains. Le verdict tombe rapidement : on l’a assassinée. Martin, le détective ainsi que la policière Satisfaction Cantono mènent l’enquête.

    Renaud Nattiez est un « tintinophile », c’est-à-dire un spécialiste de l’œuvre d’Hergé, ayant signé plusieurs ouvrages à ce sujet, et c’est avec appétit que l’on entame ce roman policier, intrigué par ce que l’auteur a pu concocter. Avec une écriture habile, une plume délicieuse et beaucoup d’esprit, il nous prend par la main et nous fait rencontrer des personnages alternatifs, avatars des protagonistes que presque tout le monde a connus en dévorant les aventures de Tintin. Le capitaine Paddock, la Castraflore, le chien Pilou, les Durandt, etc. : une pléthore d’individus que Renaud Nattiez ressuscite avec humanité, respect et intelligence, en conservant leurs caractéristiques et leurs phrasés. Une parodie ? Non : ils ne sont réinterprétés sur un mode bouffon et décalé comme a pu le faire Gordon Zola pour des pastiches endiablés et cocasses. On découvre ainsi l’envers du décor, avec ce côté exquis et joliment ironique de voir ces protagonistes s’ébattre au gré des pages tout en étant conscients qu’ils sont des êtres d’encre, enfantés par Hergé – pardon, Hervé. L’intrigue est très bien conçue, proche des whodunits anglais, et les références à des auteurs comme Agatha Christie, Georges Simenon, Umberto Eco ou encore Fred Vargas ne sont pas innocentes. Le rebondissement final quant à l’identité des assassins, à propos du second meurtre, est très intéressant et bien amené, achevant de faire de cet opus un pur régal.

    Pour tous les fans de Tintin, ce roman est un bonbon. Pour les autres, il constituera un ouvrage atypique et ensorcelant, où Renaud Nattiez s’est servi de sa connaissance parfaite de l’univers d’Hergé pour composer un roman singulier et mémorable, ramenant à la vie les individus qui ont bercé l’enfance de nombre d’entre eux. Et ce sont également près de trois cents pages ponctuées de touches d’humour, de dialogues amusants et de mots d’auteurs, animées d’un bel esprit où l’auteur ne cesse de nous interroger sur des thèmes que sont la créativité littéraire et le positionnement de ces protagonistes dans une histoire où le réel se mêle à l’imaginaire, à moins que ça ne soit l’inverse.

    /5