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9/10 Manchester, novembre 1867. Le lieutenant James O’Connor est en poste depuis peu de temps après avoir dû quitter la police de Dublin, et ses supérieurs comptent sur ses origines irlandaises pour obtenir plus facilement des renseignements auprès de ses compatriotes mancuniens qui souhaitent se soulever contre le pouvoir anglais. Dans le même temps, Stephen Doyle, un vétéran de la guerre de Sécession, vient d’arriver à Manchester où il est employé par les féniens – des nationalistes irlandais – pour commettre des actes terroristes. Le neveu d’O’connor, le jeune Michael Sullivan, débarque peu de temps après, et il pourrait être parfait pour infiltrer les rangs ennemis. Une étrange danse va s’orchestrer avec ces trois personnages. Une valse macabre.
On connaissait déjà Ian McGuire pour son excellent Dans les eaux du Grand Nord, et c’est avec entrain que le lecteur se ruera sur ce nouvel opus. Autres lieux, intrigue et cadre différents, mais le charme opère de nouveau. L’auteur reconstitue avec un talent rare la misère du Manchester des années 1860, les luttes politiques teintées de rixes religieuses, ainsi que la géopolitique locale. Les personnages sont particulièrement réussis. O’Connor, ayant perdu femme et enfant de la pleurésie, est obligé de lutter pour ne pas sombrer à nouveau dans l’alcoolisme, et il a bien du mal à trouver sa place auprès de ses collègues ou de ses compatriotes – pas assez anglais, plus suffisamment irlandais. Doyle est une pure machine de guerre, entièrement consacrée à son art de dispenser la mort, physiquement marqué par le conflit américain et reconverti dans le mercenariat. La société de l’époque, vu du point de vue policier, est détonante, entre sombres trafics, maillages des indics, éthylisme et pauvreté endémiques. Le travail de documentation d’Ian McGuire est particulièrement solide et sa plume enténébrée restitue à merveille les obscurités ambiantes. Le final est d’ailleurs étonnant : l’écrivain refuse la confrontation tant attendue dans la Pennsylvanie rurale pour offrir un chapitre atypique, tout en ellipses et récusant ce que l’on pouvait attendre de cette conclusion, et l’effet n’en est que plus réussi.
Un roman encore une fois singulier et efficace, d’une rare noirceur, confirmant les immenses qualités littéraires d’Ian McGuire.hier à 06:58 El Marco (3426 votes, 7.2/10 de moyenne) 6