Le Jour du chien noir

  1. « Autopsies psychologiques »

    « Poussé par une timidité maladive, Jeon Hak-soo tua Ra Sang-pyo » : c’est ainsi que commence cette histoire au cours de laquelle, donc, un homme en vient à assassiner l’un de ses voisins après une modique altercation. Le jeune avocat stagiaire Park Shim hérite du dossier de la défense. Dans le même temps, le corps de Sol Lisa est découvert dans la forêt, enterré, et c’est le policier Lee Pyeong-so qui va se mettre à enquêter sur ce cas. A priori, aucune ligne directrice entre ces deux affaires, et pourtant, Hak-soo et Pyeong-so vont graduellement aboutir à un même dénominateur commun : Ban Tak-shin, président d’une association et animateur d’un blog menant une lutte ouverte contre les anxiolytiques.

    Avec ce polar très sombre, Si-woo Song dresse un portrait accablant de son pays – la Corée du Sud – en proie à un taux de suicide ahurissant et au phénomène de la dépression. Si l’histoire semble de prime abord classique, l’auteur nous dépeint une contrée affligée par les automutilations, le mal-être, l’autodestruction et les ravages infligés dans la jeune frange de sa population. Chaque chapitre est habilement amené, s’intéressant à l’un des protagonistes du récit, et l’on ne peut que saluer la profondeur humaine que l’écrivain a conférée à chacun d’entre eux. Park Shim, avocat débutant aux sourcils charbonneux, s’illustre par sa pugnacité, Lee Pyeong-so déplore amèrement le fait que sa femme et leur enfant soient allés aux Philippines, et Ban Tak-shin mène un combat actif contre les firmes pharmaceutiques après la défenestration de son fils de douze ans qui se serait suicidé, d’après lui, après l’arrêt de son traitement à base d’antidépresseurs. Si l’intrigue purement policière passe parfois au second plan, Si-woo Song n’oublie jamais l’aspect sociétal dans ses récriminations et ses engagements, soulignant les maux causés par l’usage de certains psychotropes que des patients vont jusqu’à acquérir à l’étranger pour tenter d’échapper à leurs souffrances. Néanmoins, on se régale tout au long de ce livre, tant le sujet et le point de vue sont originaux, et c’est finalement dans une chambre d’hôpital que nos deux enquêteurs comprendront ce qui s’est réellement passé, avec en face d’eux un prédateur désormais démasqué, manipulateur et d’une rare psychopathie.

    Un roman atypique, tant dans le fond que dans la forme, et qui se distingue également par son scénario retors.

    /5