Bluebird, Bluebird

  1. Lark, dans le Texas. Une commune de moins de deux cents habitants où viennent de se produire, coup sur coup, deux drames. Un Noir de Chicago, Michael Wright, puis une femme blanche, Melissa Dale, tous les deux retrouvés dans le bayou Attoyac. Darren Mathews, Ranger de couleur, est informé de cette troublante coïncidence et se rend sur place pour enquêter, dans un premier temps incognito.

    Attica Locke nous a déjà séduits avec des ouvrages forts comme Marée noire ou Dernière récolte, et ce roman noir de haute volée s’inscrit dans ce parcours littéraire d’excellence. On y découvre un protagoniste très fort et marquant en la personne de Darren Mathews. Ancien étudiant en droit, il a abandonné ses études à la suite d’un lynchage médiatisé qui l’a bouleversé (« mon 11-Septembre », dira-t-il de cet événement) et décidé de porter l’étoile des Rangers. En mauvais termes avec sa femme, flirtant dangereusement avec la bouteille, il est suspendu de son poste en raison d’un procès en cours où sa parole pourrait être fausse, ce qui ne l’empêche pas d’aller jeter un coup d’œil dans ce coin paumé du Texas où le bayou semble aspirer les êtres humains. Darren ne sera pas au bout de ses (mauvaises) surprises sur ce territoire encore marqué au fer rouge par le racisme ordinaire et la ségrégation presque inscrite dans le caryotype de l’Etat. Notre Ranger y découvrira de joyeux xénophobes bien gras et épais, membres de la Fraternité Aryenne, ainsi que des Noirs cherchant à dissimuler des secrets volontairement enfouis. Attica Locke décrit avec maestria les lieux et les psychologies, prenant tout son temps pour les rendre singulièrement denses et travaillées, et si son intrigue peut de prime abord paraître percluse de clichés, il n’en est rien. L’écrivaine a su habilement étaler quelques poncifs du genre pour mieux s’en jouer par la suite, et le rythme de son récit, volontairement lent et étouffant, rend les révélations finales d’autant plus surprenantes et explosives.

    Une intrigue noire savamment campée, à la fois classique et dédaléenne, confirmant avec talent le fait qu’Attica Locke est décidément une auteure à suivre de très près.

    /5