Le Voyageur du doute

  1. Heureux qui comme Simon et Black…

    Simon et Black, les meilleurs amis du monde. Un individu et son fidèle chien, parcourant les routes, promenant sur le monde qui les entoure un regard désillusionné, nourri de nombreuses réflexions défaitistes quant à l’âme humaine. Quand ils croisent cinq jeunes personnes qui s’adonnent aux cambriolages, leur existence va prendre une direction inattendue.

    De Maud Tabachnik, on connaît surtout l’œuvre constituée de nombreux romans sombres et thrillers destinés aux adultes, et voilà qu’elle arrive avec ce titre voué à être lu par de plus jeunes lecteurs. D’entrée de jeu, son style surprend et séduit. Simon et Black, en jeune explorateurs d’un univers qui les dépasse et dont ils n’attendent guère plus rien, communiquent, lâchent au gré de leurs rencontres des sentences appuyées sur le sort de l’Europe et du monde, autant d’aphorismes et de formules qui pourraient devenir de véritables dictons. C’est avec un quintette de jeunes à la dérive (Sonate, Arèle, Flamberge, Safran et Beauregard) qu’ils vont se lier d’amitié (voire d’amour, en ce qui concerne Simon pour Sonate), malgré les muettes récriminations de Black qui ne voit dans cette alliance qu’une source de problèmes à venir. D’ailleurs, un avenir proche va lui donner raison, puisque cette petite troupe va tomber sous la coupe d’individus peu scrupuleux, leur demandant jusqu’à aller accomplir une exécution. Maud Tabachnik dresse un tableau sans concession de notre époque (d’ailleurs, certaines références politiques et géographiques désarçonneront le lectorat puisqu’elle semblent situer le contexte du livre dans un avenir proche), avec des maximes joliment senties quant au pouvoir, l’individualisme, l’amitié, l’emprise de l’argent, la société et ses laissés-pour-compte. L’aspect policier revient au premier plan dans un dernier tiers du roman, avec cette histoire de contrat, digne des meilleurs polars, et s’achève sur une note sombre que l’on ne va pas détailler pour éviter de spoiler l’intrigue.

    De ce roman à mi-chemin entre la littérature blanche et la noire, on retiendra particulièrement la langue de Maud Tabachnik, et ce ton, philosophique, presque initiatique, qui séduit du début à la fin. Un ouvrage qui détonne dans le paysage de la littérature pour la jeunesse.

    /5