Virus L.I.V. 3 ou La mort des livres

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  • 9/10 … ou comment, dans un avenir assez proche, la société est dominée par les Lettrés, des caciques, grands gardiens des livres, ou plus précisément des univers livresques, au point d’avoir relégué au rang de pestiférés ceux qui défendent les images, à savoir les Zappeurs. Le hic, c’est quand se propage un mystérieux virus qui fait s’autodétruire les mots dès qu’ils sont lus, ainsi que du livre au lecteur. Pour contrecarrer cette épidémie, les Voyelles (les quarante membres permanents de l’AEIOU) vont demander à la jeune Allis, une auteure ayant réussi dans son ouvrage « Des Livres et nous » à tenter une passerelle idéologique entre Zappeurs et Lettrés, à infiltrer la zone détenue par les rebelles. Une incroyable expérience littéraire que ce roman, partant d’un postulat remarquable et atypique, proche des univers de Serge Brussolo. Là-dessus, viennent se greffer toute une série d’événements, de personnages ou d’interrelations intelligentes. Des protagonistes forts, comme Allis, sourde et muette, envoyée au casse-pipe par ce cénacle d’idéologues forcenés dans la banlieue parisienne. Un chef des ZZ (Zappeurs Zinzins), à l’identité bien dissimulée. Emma, représentante des voyelles, qui a vu son fils lui échapper pour rejoindre le camp des défenseurs des images. Il y a aussi de sacrées trouvailles, comme les Hommes-Ecrans, qui ont un écran incrusté dans la poitrine et qui communiquent avec leurs semblables avec des outils informatiques. C’est aussi une charge sévère contre le milieu trop militant de la littérature vue comme un totem, une religion, et de l’intolérance en général, ainsi qu’une satire du monde de l’Internet, avec ses mirages et ses usurpations (à noter que le roman date de 1998, et quand on comprend ce qui se cache derrière le pseudonyme de Mondaye avec laquelle tchatte régulièrement Allis, on se dit que Christian Grenier était un incroyable visionnaire en la matière). Paradoxalement, c’est aussi un hymne poignant à la littérature, à ses univers fertiles, aux représentations qu’elle provoque en chacun d’entre nous, notamment au fil des incursions virtuelles dans les ouvrages, dont ceux de Jules Verne, Ray Bradbury, Albert Camus, etc. Il y a également pas mal d’action et de suspense dans ce bouquin qui se destine en priorité aux jeunes mais que les adultes peuvent sans le moindre problème entreprendre (et je recommande d’ailleurs fortement cette lecture à tout le monde). Même si certains passages (notamment lors des expériences virtuelles vécues dans les récits, presque des infiltrations humaines) risquent d’être un peu ardues pour certains, voilà une inoubliable expérience de lecture, saturée de symboles, comme le rapprochement d’Allis et du gourou des ZZ, avec leurs handicaps si poignants. Réellement, une pépite, et je m’en veux vraiment de la découvrir plus de vingt ans après sa publication.

    06/12/2019 à 17:20 El Marco (3181 votes, 7.2/10 de moyenne) 1