Scènes de crime : 200 ans d'histoires et de sciences criminelles

(Forensics. The Anatomy of Crime)

  1. La criminologie, presque vue de l’intérieur

    Les livres sur la police scientifique ne manquent pas, mais quand Val McDermid, l’auteure des remarquables et remarqués Le Chant des sirènes, Au lieu d’exécution, Le Tueur des ombres ou Quatre garçons dans la nuit s’y met à son tour, on ne peut que se laisser tenter par un tel ouvrage documentaire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est du béton. Les strates de la police anglaise, l’entomologie, les enquêtes sur les scènes d’incendie, la médecine légale, la toxicologie, les empreintes digitales, l’ADN, l’anthropologie, les reconstitutions faciales, la science forensique numérique, etc. L’écrivaine s’est forgée une solide réputation avec ses intrigues denses et ses personnages âpres, et l’on comprend mieux, à la lecture de cet opus, à quel point elle maîtrise ces divers sujets, afin de pouvoir nourrir ses histoires. Loin de s’attribuer des lauriers qui ne sont pas toujours les siens, Val McDermid cite fréquemment des analystes de scènes de crime, exploite une bibliographie particulièrement consistante et pertinente, au gré de chapitres fermement charpentés et très instructifs. De nombreux faits divers et autres investigations criminelles sont mentionnées, parfois retracées, et des photographies émaillent les quelque cinq cents pages de ce livre. Pourtant, l’auteure ne s’est pas contentée d’un simple inventaire, soporifique et nécessairement copié-collé d’ouvrages précédents : elle y imprime de la vie et les sentiments humains qui lui sont liés. Les doutes de ces techniciens, leurs échecs, ce qu'ils ont appris des impasses et fiascos, les progrès réalisés suite à ces revers : des points de vue immédiatement intelligibles car retranscrits avec bienveillance et toujours avec un net souci de vulgariser sans jamais bêtifier ni simplifier. Les aspects historiques sont également passionnants, de l’Antiquité jusqu’à de récentes guerres civiles, de faits divers en tueurs en série, de l’Egypte ancienne aux dernières évolutions de l’informatique. Autre atout de taille : jamais Val McDermid ne devient la thuriféraire aveugle de la science forensique. Des exemples ? Bernard Spilsbury avait beau être un analyste de renom, il n’en était pas moins un dogmatique qui a commis des erreurs en plus d’être un personnage pour le moins contestable. Le « Fantôme de Heilbronn » a démontré les limites de l’exploitation de l’ADN et sa parole toute-puissante.

    Un documentaire singulièrement riche et érudit, qui se montre savant tout en demeurant accessible, éclairé et mesuré. Dans le domaine des abondants opus consacrés à la police scientifique, à n’en pas douter, c’est un jalon.

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