Le Montespan

3 votes

  • 8/10 … ou l’histoire, à la fois tragique, comique, poignante et burlesque, de Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan, cocu sublime du XVIIe siècle. Après un duel, il fait la connaissance de la magnifique et incendiaire Françoise de Rochechouart de Mortemart, dite Mlle de Tonnay-Charente. Un amour immédiat, presque un coup de foudre, des sentiments charnels passionnés également, deux enfants, et… le drame. Françoise est remarquée par Louis XIV et finit par devenir sa maîtresse. Mais le mari trompé ne compte pas en rester là et s’en va affronter, à sa façon, le Roi Soleil, en usant d’un humour, d’une bravoure et surtout d’une constance à vouloir récupérer sa chère et tendre.
    De Jean Teulé, j’avais déjà lu « Entrez dans la danse », et j’ai retrouvé avec bonheur son sens de la narration : une solide documentation et une connaissance non moins solide de ce fait divers, mais sans emprunter la voie du récit purement historique : l’écrivain y injecte son esprit, sa drôlerie, sa causticité, et c’est un pur régal. Les dialogues sont bien poivrés (- « C’est une belle pomme, sire, mais elle est gâtée dedans. – Vraiment ? Je vérifierai par moi-même en allant dedans »), ou encore quelques scènes bien tordantes, comme le Montespan demandant à son concierge de s’habiller comme son épouse et de prendre des mines pour la singer, toujours le Montespan se masturbant dans la chambre de Marie-Thérèse d’Autriche – il refuse de la prendre parce qu’il la trouve finalement trop laide – avant d’éjaculer dans un bénitier dont le monarque va ensuite se servir de l’eau pour se bénir, etc. Néanmoins, au-delà de ces cocasseries parfois très lestes, Jean Teulé préserve des moments plutôt poignants, comme son protagoniste organisant des funérailles pour l’amour qu’il vouait à sa femme, le mépris que lui voue son fils Louis-Antoine (dont le caractère absolument infâme va aller crescendo), et finalement, les tortures sentimentales de cet homme, pathétique et rebelle, qui n’a jamais cesser d’affectionner sa Françoise, jusque sur son lit de mort. Une lecture acide également de l’écrivain quant aux us et coutumes de l’époque, de souverains gangrénés par leur fatuité et leurs vices physiques souvent liés à la consanguinité (cf. Louis XIV et son minuscule pénis, les enfants que Françoise aura avec le Roi, Charles II d’Espagne et ses multiples handicaps, etc.). Bref, c’est tout à la fois génial et vrai, corrosif et objectif, historique et créatif, hilarant et émouvant (la scène finale avec les reliques de Françoise avec les animaux, de la bouffonnerie doublée d’une symbolique déchirante), sombre et surexposé : la patte et la plume de Jean Teulé, ou l’art d’appréhender l’Histoire de façon divertissante sans délaisser l’aspect instructif.

    22/05/2025 à 05:49 El Marco (3631 votes, 7.2/10 de moyenne) 4

  • 8/10 Un avis partagé sur la plupart des points avancés par Hoel, ce roman historique s'attache aux personnages afin de sonder leurs histoire, leurs morales, leurs émotions. Jean Teulé excelle à combiner une base historique pour en extraire des romans humanistes, c'est bien là son identité, sa couleur.

    02/03/2019 à 22:32 chouchou (607 votes, 7.6/10 de moyenne) 6

  • 8/10 Le Montespan est indéniablement un roman historique mais à aucun moment les aspects historiques ne passent avant l’histoire. Teulé a su ne pas tomber dans le travers assez commun de ce genre qui est d’ennuyer son lecteur à trop vouloir étaler ses connaissances.
    L’ensemble est très bien écrit et les descriptions sont agréables à lire. J’ai beaucoup aimé celles des rues parisiennes, avec cette populace…
    Bien sûr on peut penser qu’avec une histoire telle que celle du Montespan, il était difficile de faire un mauvais roman. En effet, ce personnage peu connu du grand public, que sa femme a quitté pour le Roi – Louis XIV – à son grand désarroi, est vraiment haut en couleur.

    Le grand point fort de ce roman, c’est à mes yeux l’humour dont sait faire preuve l’auteur.
    Il s’amuse avec les expressions de l’époque, parfois très imagées. Certains personnages aux rôle mineur sont excellents, comme ces six apprentis du perruquier n’ayant d’yeux que pour la Montespan.
    Il se moque avec talent des us de l’époque. Des courtisanes qui copient aveuglément les nouvelles modes, fussent-elles ridicules, allant jusqu’à se rougir la joue pour ressembler à la Montespan, que son mari avait giflée ! Des pratiques liées à la défécation, qui se faisait alors volontiers en public (voir la scène du théâtre) ce que l’on a du mal à imaginer aujourd’hui.
    Certaines scènes sont hilarantes, comme celle où Montespan complètement saoul prend son concierge pour sa femme.

    Ce dialogue entre Montespan et le duc de Mortemart, son beau-père, résume bien à la fois l’histoire de ce roman, et le ton employé par l’auteur.
    « - Louis-Henry, être cocu, c’est la chance de votre vie. Ne la ratez pas, elle ne repassera pas.
    - Comment peut-on penser que je me tairai, m’en accommoderai ?…
    - Vous êtes fou.
    - Fou de Françoise.
    - Ah, ça le reprend ! Que d’histoires parce que le roi aime à se rôtir le balai dans ma fille. »

    Au final, Le Montespan est un roman à la fois sérieux du point de vue historique et extrêmement drôle. Un roman historique comme il s’en fait peu. Une vraie réussite.

    02/03/2019 à 18:37 Hoel (1204 votes, 7.6/10 de moyenne) 4