Les Mafieuses

  1. Les Acampora, père et filles

    Léon Acampora, l’un des grands parrains de la mafia grenobloise, vient de tomber dans le coma après de longues années de lutte contre Alzheimer. Il a deux filles, Dina, qui travaille dans une ONG, et Alessia, qui poursuit en quelque sorte l’œuvre de son père en utilisant une pharmacie comme paravent afin de vendre de la drogue. Mais avant de tomber gravement malade, Léon a trouvé la force d’écrire une lettre qui parvient à Michèle, son épouse : cette dernière apprend qu’il a mis un contrat sur sa tête afin qu’elle le rejoigne vite dans l’au-delà, à moins que ça ne soit pour la punir de ses infidélités. Dès lors, Dina et Alessia vont tout faire pour empêcher ce mystérieux tuer à gages d’honorer son engagement.

    De Pascale Dietrich, on connaissait déjà Le Homard, Le Congélateur ou Une Île bien tranquille, et on la retrouve ici avec cet opus concis (environ cent quatre-vingts pages) et enlevé. Grâce à sa plume énergique et son style rythmé, on plonge aussitôt dans le vif du sujet avec la découverte des trois femmes qui animent ce récit. Il y a donc Dina, œuvrant dans une ONG humanitaire, mais dont le rôle se résume à étudier des projets plutôt qu’à aider concrètement les nécessiteux, côtoyant au passage des collègues qui abusent de leur situation. Alessia règne sur le trafic local de drogue, usant de codes dans son officine pour délivrer des stupéfiants et toujours prête à briser la concurrence. Michèle, la mère, a surtout subi toute sa vie la présence de son mafieux d’époux et, quand ce dernier est sur le point de passer l’arme à gauche, voilà qu’en apparaît une autre, d’arme, mais cette fois-ci braquée sur elle par un tueur à gages mandaté par son mari et dont tout le monde ignore l’identité. La situation semble inextricable ? Si l’on ajoute à cela le flirt de Dina avec un champion du monde de la crème glacée, Alessia aux prises avec d’autres trafiquants aux dents rayant le parquet, Michèle devant fuir la menace, des gangsters dans des EHPAD et des femmes de mafieux dont on vient solliciter le soutien, le tableau final sera à coup sûr croquignolet. Jamais Pascale Dietrich ne se prend réellement au sérieux, disséminant quelques touches d’un humour salvateur, ce qui n’empêche nullement un suspense indéniable et même quelques scènes assez sanglantes (comme Alessia coupant avec un sécateur un orteil de son père plongé dans le coma). Certains passages sont assez téléphonés – comme l’identité de cet énigmatique assassin – mais l’ouvrage avance à toute allure, n’engendrant jamais la morosité, et offrant, une fois n’est pas coutume, la première place à des femmes qui prennent le dessus sur la gent masculine, quitte à faire couler le sang ou défendre leurs semblables suite à un dilemme impossible.

    Un roman percutant, de prime abord très distractif, mais qui recèle, sous son vernis purement délassant, un ton résolument acide.

    /5