Mauvais œil

  1. Ajaccio Confidential

    Un temps, Attilius Mattéi a été un des caïds de la mafia corse. Avec la belle Antonia, sa reine, ils étaient les maîtres d’Ajaccio. Depuis, Attilius est porté disparu – sans doute victime d’un règlement de compte – et la veuve se morfond, entre un père rosse et grabataire et deux fils peu dégourdis, Joseph et Ours-Pierre. Mais voilà que ressurgit Toussaint Galéa, l’ex bras droit d’Attilius exilé au Gabon depuis une éternité. Coïncidence ou pas, son retour semble attirer le mauvais sort. Sur l’entourage d’Antonia, mais pas seulement. Les affaires reprennent.

    Nous avions découvert Marie Van Moere avec Petite Louve, paru à La Manufacture de livres en 2014, qui mettait en scène une mère prête à tout pour protéger sa fille adolescente et la venger des hommes qui l’avaient violée. Ici, le style a quelque peu évolué. Bien que l’auteur donne à voir les sentiments des personnages – notamment ceux d’Antonia – , la narration paraît moins intimiste. Les émotions sont moins palpables, moins viscérales. L’écriture est plus froide, voire plus factuelle et évoque par moments les textes de Dominique Manotti, peut-être aussi en raison de la thématique, ces sphères interlopes où s’entrecroisent réseaux mafieux, intérêts économiques et politique.
    Comme dans Petite Louve, l’action se déroule en Corse, île sur laquelle vit Marie Van Moere. Les paysages de l’Île de Beauté sont à l’honneur, à commencer par Ajaccio – la ville est en somme l’un des personnages principaux du roman – et son golfe. La grande bleue joue un rôle important, et l’auteur nous livre de beaux passages du côté de l’archipel des Sanguinaires, y compris quelques scènes sous-marines, très évocatrices et assez rares en littérature pour être mémorables. Les Corses sont quant à eux moins à leur avantage. Sans insister, l’auteur effleure certains traits propres aux insulaires et à leur esprit parfois un peu étriqué, à commencer par le racisme, assez présent semble-t-il, et le respect de certaines traditions parfois contestables.
    L’intrigue est solide, documentée – l’auteur cite des articles de Médiapart - et le personnage de l’inspecteur Cécile Stéphanopoli, en froid avec sa femme, est assez atypique.

    Cinq ans après Petite Louve, Marie Van Moere confirme tout le bien qu’on pensait d’elle tout en adaptant sa manière d’écrire à ce nouveau récit. On prend d’ores et déjà date pour la prochaine virée en Corse… ou ailleurs.

    /5