Derniers mètres jusqu'au cimetière

(Mies joka kuoli)

  1. Mort à l'arrivée

    Mauvaise passe pour Jaako Mikael Kaunismaa : il vient d’apprendre, suite à un examen médical demandé après divers malaises, qu’on est en train de l’empoisonner. Pire : l’intoxication en est à un tel stade qu’il va bientôt mourir. Sauf que Jaako n’est pas un homme très important : Finlandais ayant érigé avec son épouse, Taina, une entreprise cultivant le matsutaké, un champignon, il ne voit guère de raison pour que l’on en vienne à attenter à sa vie. Et quand il rentre chez lui, c’est pour trouver sa femme en plein ébat sexuel avec l’un de leurs employés. Il y a comme ça des jours où il vaudrait mieux rester couché. Alors, quitte à mourir, Jaako va essayer de comprendre qui l’a assassiné.

    Après La Dernière Pluie, Sombre est mon coeur et Aussi noir que ton mensonge, voici le quatrième ouvrage d’Antti Tuomainen, un roman à suspense très léger et décontracté, qui contraste fortement avec le point de vue – il s’agit d’un ouvrage narré à la première personne – d’un individu qui se sait condamné. On est rapidement pris par le style de l’écrivain, frais et alerte, qui voit s’abattre tant de mauvaises nouvelles sur le coin de sa figure en si peu de temps. Car en plus de sa mort annoncée et l’adultère de sa chère et tendre, il voit que son entreprise est concurrencée par une rivale menée par un dénommé Asko et ses deux sbires – Juhani et Juhana – au risque de lui faire perdre sa clientèle japonaise. A aucun moment le récit d’Antti Tuomainen n’engendre la mélancolie ni ne tombe dans la gaudriole, et c’est sur cette ligne de crète ténue, ce mince fil du rasoir entre humour et drame que l’auteur nous fait suivre l’enquête de Jaako. Un individu plutôt banal de prime abord, très humain, luttant contre ses rondeurs et faisant de son mieux pour sa société de myciculture. Il en viendra notamment à croiser un policier au flair salvateur, se battre avec Juhani et Juhana – ces deux scènes de confrontation sont exemplaires d’humour absurde, presque des anthologies de pastiches – ou encore mener un double discours, en s’exprimant en anglais à un auditoire de Japonais tout en lâchant de croustillantes vérités à Taina en finnois.

    Antti Tuomainen se perd parfois dans quelques circonvolutions inutiles sur la culture du matsutaké ou dans les monologues intérieurs de notre mort en devenir, mais le livre séduit, indéniablement, par son approche amusante sans pour autant échouer dans le burlesque, d’autant que le final réserve quelques surprises quant à l’identité de l’empoisonneur. Le roman idéal pour passer un bon moment d’une lecture décomplexée entre deux thrillers nerveux et sanglants.

    /5