Bletchley Park

  1. Sur tous les fronts

    Août 1941. Les espionnes regroupées sous le titre d’Espionnes du Salève et basées en Suisse sont devenues les fers de lance de l’activisme antinazi. Ces femmes, mues par des raisons diverses, sont unies dans la lutte contre l’ennemi allemand et prêtes à tout donner pour détruire cette hydre. Et certaines d’entre elles seront d’autant plus zélées que l’on vient de s’en prendre à leurs proches.

    Après le très bon L’Envers du miroir, Mark Zellweger signe ici son deuxième roman de la série consacrée aux espionnes du Salève. On y retrouve le style si particulier de l’écrivain : des phrases courtes et sèches, pour un style simple et direct, et surtout, une documentation et une maîtrise impressionnantes des sujets abordés. D’ailleurs, à cet égard, les pages finales, comptabilisant les « personnages ayant existé, par ordre d’entrée en scène », sont au nombre de cinq. Il faut ainsi souligner l’ampleur de la préparation de l’auteur qui se livre à une reconstitution remarquable du panorama des forces en présence : les divers protagonistes, les services de renseignements, les officines de dénonciateurs et autres agitateurs, les réseaux naissants ou avortés de résistance dans tous les pays concernés, les dates et événements-clefs, etc. Mark Zellweger se fait le scribe adroit d’une époque particulièrement trouble, puisant dans de solides connaissances pour nous rendre l’époque comme les jeux de pouvoir aussitôt accessibles. Dans le même temps, l’intrigue nous fait voyager : du Maghreb à la Libye, de la Norvège à l’Angleterre, de la France à la Suisse, nos héroïnes, femmes au caractère affirmé et d’une rare efficacité, vont déployer des trésors de courage et d’abnégation pour lutter contre les Allemands et leurs séides. Elles vont ainsi guerroyer pour dénoncer les camps d’extermination, mettre à terre une usine utilisant de l’eau lourde, aider à la lutte contre le Generalfeldmarschall Rommel, ou encore aider à empêcher l’infiltration de contre-espions au QG de Bletchley Park. En trois cents pages, Mark Zellweger convainc du début à la fin, même si on peut, à la marge, lui reprocher quelques détails, dans la forme (la surabondance souvent injustifiée de points d’exclamation, ou le recours à l’expression « des plus » qui tourne au tic verbal) comme dans le fond (des protagonistes toujours sauvées de situations inextricables, capables de prouesses physiques qui défient l’entendement, ou dont les succès dans le contrespionnage sont un peu trop énormes pour être crédibles).

    L’auteur, en habile acrobate des mots et intrigues, maintient avec conviction l’équilibre entre l’historicité de certains événements et la fantaisie littéraire qu’il y introduit. Un ouvrage prenant et efficace, et qui donne d’autant plus envie de lire le troisième et dernier opus de la série, Le Pacte Allen Dulles.

    /5