Couleur pivoine

(Pfingstrosenrot)

  1. Qui tue encore au Kosovo ?

    Un couple de personnes âgées sont retrouvées assassinées alors qu'elles venaient d'emménager dans leur nouvelle maison au Kosovo. Peut-être leur mort a-t-elle d'ailleurs un rapport avec leur arrivée dans le cadre d'un programme de rapatriement financé en partie par l'ONU ?
    Face au peu d'empressement des autorités locales pour faire la lumière sur cette affaire, Milena Lukin, criminologue à l'université de Belgrade et spécialiste de l'ex-Yougoslavie, décide de creuser un peu. Pas évident dans cette région à majorité albanaise où les Serbes sont encore considérés comme des moins-que-rien.

    Couleur pivoine est la seconde enquête de Milena Lukin, déjà à l'oeuvre dans Couleur bleuet, paru en 2017 chez Héloïse d'Ormesson. Il semblerait d'ailleurs qu'on puisse facilement lire ce nouvel opus sans avoir mis son nez dans le précédent.
    Ici, Milena, mère célibataire au caractère bien trempé, est bien décidée à savoir pourquoi ces deux paisibles vieillards ont été assassinés à leur domicile. Bien qu'elle n'ait pas de rapport direct avec les victimes, sa détermination est sans faille, quitte à se mettre elle-même en danger. Il faut dire qu'elle ne comprend pas bien pourquoi on a pu leur en vouloir à ce point et qu'elle a beaucoup de mal avec ces histoires de haines ancestrales sur fond de racisme crasse et d'intolérance à l'autre.
    Beaucoup de lecteurs, sans doute, ne sont pas très au fait des tenants et aboutissants des conflits de l'ex-Yougoslavie. Qu'à cela ne tienne, et que cela ne les refroidisse pas. Car si Couleur pivoine comporte effectivement une dimension géopolitique indéniable, nul besoin d'avoir fait Sciences Po pour se passionner pour son intrigue. L'Allemand Christian Schünemann et la Serbe Jelena Volić ont trouvé le bon dosage et nous donnent à comprendre les choses sans jamais nous abreuver de détails inutiles ni nous donner le sentiment d'assister à un cours magistral sur l'Histoire des Balkans. Le suspense est assez important pour entraîner le lecteur sans peine dans le sillage de Milena jusqu'au bout de cette enquête loin d'être de tout repos. Des passages sur l'absurdité de la guerre sont très joliment écrits, et il est agréable de découvrir les traditions et la gastronomie locales auprès des protagonistes.

    Au final, Couleur pivoine est un roman à suspense plaisant et intelligent de surcroît qui apprendra sans doute quelques rudiments de géopolitique balkanique à la majorité de ses lecteurs, et même, pourquoi pas, leur donnera envie de se rendre à Belgrade, joliment donnée à voir au détour de ces pages.

    /5