La Lézarde du hibou

  1. Monsieur « Un franc »

    Un homme parcourt la Haute-Vienne et ses alentours, en quête de vengeance. Méthodiquement, il va tuer plusieurs personnes qui, par le passé, ont fait du mal à lui ou à sa famille, et signe ses crimes en laissant une pièce près de la victime. Celui qui estime être un « hibou », c’est-à-dire un individu simple et honnête, va enfin prendre sa revanche sur les malfaisants.

    Ce premier ouvrage de Denis Julin séduit dès son amorce. On comprend d’ailleurs assez vite que l’écrivain n’est pas à la recherche du tape-à-l’œil, de la surenchère sanglante ou de la traque du tueur en série machiavélique. Nous sommes ici dans une littérature policière on ne peut guère plus humaine et crédible, puisqu’elle nous narre la croisade armée d’un anonyme qui a décidé de se réveiller et de châtier celles et ceux qui ont offensé ses proches. Le chauffard responsable de la mort de sa fille, celui qui lui a fait porter le chapeau dans une histoire de vol, mais également un commerçant très cynique, un ancien voisin particulièrement indélicat… Tous les nuisibles qui ont un jour eu le malheur de s’en prendre au protagoniste de ce roman vont le payer. Il est d’ailleurs évident que l’on n’a pas affaire à un énième Charles Bronson ou rédempteur de cet acabit, capable d’encaisser les coups comme les balles. Notre héros n’a pas véritablement de nom ni de prénom, a un physique quelconque, en vient même à douter de sa vendetta meurtrière lorsqu’il découvre en l’un de ses anciens bourreaux… un homme devenu prêtre. Aucun jugement moral de la part de Denis Julin, juste la description de cette razzia. Avec des mots fins et habiles, l’auteur nous invite également à de jolies digressions géographiques et touristiques en fonction des lieux visités, rendues fort agréables par une langue poétique. Dans le même temps, alors que l’on suit le parcours de notre justicier raconté au présent, nous avons également droit à la traque du policier, Romain Antoine Lazarus Brunie, obstiné et malin, accompagné d’une délicieuse Lætitia, et qui saura se faire aider tout au long de son investigation, notamment par une ancienne institutrice qui aura des démonstrations de profiler.

    Un roman qui séduit par sa maîtrise autant que l’intelligence et la modestie de ses propos. Avec un final émouvant proche d'un film très connu, on ne peut qu’être charmé par une lecture aussi humble, délicate et humaine.

    /5