Août 1918, sur le front de la Somme. Deux soldats, Vasseur et Jansen, entreprennent, après des années de combats, de fuir les lignes et déserter. Même s’ils se connaissent finalement assez peu l’un l’autre, ils n’en peuvent plus de la sauvagerie des engagements, quêtant dans cette fuite leur ultime chance de salut. Leur cavale va les mener au domaine d’Ansennes, tandis qu’un gendarme, Delestre, spécialisé dans la traque de déserteurs, est déjà à leurs basques.
Michel Moatti, à qui l’on doit déjà, entre autres, les très bons Retour à Whitechapel et Blackout Baby, revient avec ce roman très sombre ancré dans la Première Guerre mondiale. Le chaos des armes, les légitimes peurs des belligérants, l’absence d’espoir de survie : tout cela va conduire deux d’entre eux à opter pour la défection. Jansen est instituteur et Vasseur percepteur. Mais il y a une autre réalité derrière l’étiquette de ces professions concernant le second : Vasseur est un psychopathe. Capable de tuer un ennemi en l’égorgeant avec les dents avant de se masturber sur son cadavre, ou de jeter dans le foyer d’une cheminée un gendarme encore vivant qui s’est dressé sur sa route. Dans le même temps, c’est un excellent comédien, capable d’endosser avec habileté une autre identité et de s’exprimer avec de bien belles paroles. Les deux déserteurs rencontrent trois personnes au domaine d’Ansennes : un vieil industriel désargenté de la verrerie, Givrais, sa fille Mathilde et leur domestique, Nelly Voyelle. Ayant usurpé les identités de deux docteurs, Jansen et Vasseur vont vivre plusieurs mois au sein de la propriété jusqu’à ce que tout explose. Michel Moatti, grâce à son style à la fois riche et sa plume qui ne croque que l’essentiel, expose avec beaucoup de noirceur l’ambiance pesante qui envahit le château, avec les zones de doute, d’ombre et de violence à peine muselées. Un huis clos savamment charpenté, particulièrement réussi, jusqu’à la dislocation meurtrière et le retour du sang. Tous les portraits psychologiques sont savoureux, édifiants, et l’on retiendra peut-être plus particulièrement celui de François Delestre, capitaine de la gendarmerie prévôtale d’Amiens, fin limier et, dans le même temps, saturé de contradictions morales quant à ces pauvres hères qui se sont éloignés de la boucherie des tranchées. Même avec quelques longueurs dans les derniers chapitres, ce roman est une pure merveille, l’auteur venant également apporter une autre résonnance au titre, désignant à l’origine les déserteurs, et plus particulièrement lors d’un passage ouvert à l’interprétation de chacun et détonnant.
Quelque part entre le roman noir et le thriller, un opus d’une très grande qualité, âpre et mémorable, dont Michel Moatti nous narre la genèse dans une postface poignante.
Août 1918, sur le front de la Somme. Deux soldats, Vasseur et Jansen, entreprennent, après des années de combats, de fuir les lignes et déserter. Même s’ils se connaissent finalement assez peu l’un l’autre, ils n’en peuvent plus de la sauvagerie des engagements, quêtant dans cette fuite leur ultime chance de salut. Leur cavale va les mener au domaine d’Ansennes, tandis qu’un gendarme, Delestre, spécialisé dans la traque de déserteurs, est déjà à leurs basques.
Michel Moatti, à qui l’on doit déjà, entre autres, les très bons Retour à Whitechapel et Blackout Baby, revient avec ce roman très sombre ancré dans la Première Guerre mondiale. Le chaos des armes, les légitimes peurs des belligérants, l’absence d’espoir de survie : tout cela va conduire deux d’entre eux à opter pour la défection. Jansen est instituteur et Vasseur percepteur. Mais il y a une autre réalité derrière l’étiquette de ces professions concernant le second : Vasseur est un psychopathe. Capable de tuer un ennemi en l’égorgeant avec les dents avant de se masturber sur son cadavre, ou de jeter dans le foyer d’une cheminée un gendarme encore vivant qui s’est dressé sur sa route. Dans le même temps, c’est un excellent comédien, capable d’endosser avec habileté une autre identité et de s’exprimer avec de bien belles paroles. Les deux déserteurs rencontrent trois personnes au domaine d’Ansennes : un vieil industriel désargenté de la verrerie, Givrais, sa fille Mathilde et leur domestique, Nelly Voyelle. Ayant usurpé les identités de deux docteurs, Jansen et Vasseur vont vivre plusieurs mois au sein de la propriété jusqu’à ce que tout explose. Michel Moatti, grâce à son style à la fois riche et sa plume qui ne croque que l’essentiel, expose avec beaucoup de noirceur l’ambiance pesante qui envahit le château, avec les zones de doute, d’ombre et de violence à peine muselées. Un huis clos savamment charpenté, particulièrement réussi, jusqu’à la dislocation meurtrière et le retour du sang. Tous les portraits psychologiques sont savoureux, édifiants, et l’on retiendra peut-être plus particulièrement celui de François Delestre, capitaine de la gendarmerie prévôtale d’Amiens, fin limier et, dans le même temps, saturé de contradictions morales quant à ces pauvres hères qui se sont éloignés de la boucherie des tranchées. Même avec quelques longueurs dans les derniers chapitres, ce roman est une pure merveille, l’auteur venant également apporter une autre résonnance au titre, désignant à l’origine les déserteurs, et plus particulièrement lors d’un passage ouvert à l’interprétation de chacun et détonnant.
Quelque part entre le roman noir et le thriller, un opus d’une très grande qualité, âpre et mémorable, dont Michel Moatti nous narre la genèse dans une postface poignante.