L'Arménien : nuits nantaises

3 votes

  • 7/10 Dans les bistrots de Nantes.
    Bertrand vient de perdre Luc, son meilleur ami. Un dealer qui avait plutôt bien réussi jusque là. Sa psy, Françoise, perd elle du coup son patient le plus passionnant. S'entrecroisant, ils vont tous deux chercher à connaître la vérité sur l'assassinat de Kazian, cet "Arménien" qui avait su devenir un prince des soirées Nantaises durant les années 80...
    Moyen. D'une part, l'auteur ne se complait que trop à nous narrer une multitude de beuveries et d'orgies devenant au fil des pages assez rébarbatives. Plutôt que de développer l'enquête sur la mort de Luc, qui aurait pu s'avérer plus intrigante.
    Et pour cause... car d'autre part, lorsque vient le dénouement, on se dit que sa construction apparaît un tantinet facile... Facilité du style à me déplaire quelque peu.
    Néanmoins, il y a du positif. çà se lit plutôt bien, et les personnages sont bien campés, que l'on s'identifie à eux ou pas. Au final, force est de constater que je n'en garderai tout de même pas un souvenir impérissable.

    05/11/2023 à 12:40 Lucas 2.0 (456 votes, 7.7/10 de moyenne) 1

  • 8/10 Luc, jeune émigré Arménien est bien seul. Une gueule d’ange, l’ambition de devenir le caïd des nuits nantaises, il progresse pas à pas en imaginant pas qu’il taille sa route vers sa perte.
    Deux narrateurs se côtoient pour aider le lecteur à assembler les pièces du puzzle : son pote Bertrand, coiffeur et coureur de jupons et compagnon de beuveries de Luc et Françoise sa psy bourgeoise et rangée qui, par le hasard des circonstances devient l’auxiliaire du flic de service, Brandt quant à lui frappé de tous les clichés de romans noirs, alcool, ruptures.
    J’ai été déroutée au début par cette double narration et ces retours-arrières indispensables à l’éclaircissement de cette nébuleuse guerre de la nuit. Et que dire de Luc ? Attachant et tellement en souffrance que le lecteur est tenté de l’excuser … On n’oubliera pas non plus de s’attacher au contexte et à tous les trafics de femmes, d’enfants etc. Un premier roman prometteur, de construction originale et un bon suspense.
    Merci à l’auteur Carl Pineau de m’avoir fait confiance en me proposant ce bon moment de lecture.

    09/09/2018 à 17:18 Dany33 (535 votes, 8/10 de moyenne) 2

  • 10/10 Retrouvé près du corps de ses parents, abattus dans une rue de la capitale arménienne, Luc Kazian est recueilli par sa tante. Peu loquace, parfois maladroit, le gamin préfère laisser le passé là où il est puisque la vie lui a accordé un sursis. Il grandit sans trop d’encombre, à l’abri des livres. Au détour de ses errances dans la ville, il atterrit au salon de coiffure où travaille Bertrand. Rapidement, les deux hommes se lient à la vie à la mort et Bertrand se charge d’introduire son protégé dans le milieu nantais.

    1989. Quelques jours avant Noël. Luc gît dans la forêt de Touffou, mutilé et brûlé. Qui pouvait lui en vouloir au point de le massacrer de la sorte ? Bien du monde. De ses premières sorties à son dernier souffle, Luc a connu une ascension sociale fulgurante et s’est fait nombre d’ennemis. Peu à peu, il a gagné les quartiers de la ville pour y revendre sa came en compagnie de son acolyte. Redouté, détesté, adulé, il ne laissait personne indifférent. Les filles étaient à ses pieds, les caïds déjà en place s’associaient avec lui. Mieux valait être du côté de L’Arménien. La piste du règlement de comptes est la plus plausible. Mais l’inspecteur Brandt semble avoir une revanche personnelle à prendre sur les marchands de poudre et ne saurait se satisfaire de l’omerta.

    Tour à tour, Bertrand, l’ami de toujours et Françoise, la psy, racontent.

    Bertrand, queutard en chef de son état, a le don de s’attirer la guigne. S’il a conscience de ses limites, il s’applique à les dépasser. Il ne peut pas croiser une femme sans lui sortir son grand jeu de séducteur de bas étage. Il épuise les bouteilles de whisky qu’il planque dans l’arrière-boutique au même rythme que son amour-propre. Il avait des rêves, pourtant, des envies de vie de famille, il y a peut-être cru avec Sandrine, mais ça ne lui a pas suffi. Du drôle de duo qu’il formait avec Luc, c’était lui l’agitateur. Il avait voulu se faire instructeur, il s’avérait finalement un piètre élève. Car Luc était raisonné, discret. Généreux, entier et cultivé, il avait su s’attirer le respect que Bertrand n’aurait jamais. De là à faire naître la haine qui pousse à l’irréparable ?

    Françoise de Juignain entretenait une relation particulière avec son patient. Elle avait bien tenté de résister à son charme, mais qui l’aurait pu ? Luc savait vous mettre dans sa poche en un regard et quelques mots, et la trop grande empathie de la psy l’a fait déborder de ses fonctions. Elle lui avait tendu la main sans se faire prier, emportée par son désir de protection. Son désir tout court, peut-être. Sa mort laisse un vide immense, beaucoup de questions sans réponses. Ce que l’on dit aujourd’hui du jeune homme ne rend pas justice à celui qu’elle a connu, et elle se fait un devoir moral de défendre sa mémoire. Certes, il était plutôt le genre de gars qu’on évite en temps normal, mais lorsqu’on commence à le connaître…

    Comme elle, j’ai eu envie de protéger Luc, mais il était trop tard. Comme Bertrand, j’ai eu envie d’être à ces côtés et de partager cette insouciance d’apparence le temps d’une nuit où rien ne compte. Les Nuits Nantaises, c’est la France des années 80, la France de Mitterrand, la mort de Bob Marley et la chute du mur de Berlin. Le sida a des allures de légende, et on se laisse un mot sur la table si on a oublié de se dire quelque chose. Carl Pineau aborde la décennie avec beaucoup de justesse. Pieds et poings liés, on le suit dans chacune des pérégrinations qu’il a imaginées, car chaque chapitre se clôt d’une telle façon qu’on ne peut qu’entamer le suivant. Difficile de lister toutes les émotions que L’Arménien m’a procurées. Nostalgie, angoisse, sympathie, peine, colère.

    Plusieurs fois, j’ai redouté que le pot aux roses ne soit pas à la hauteur de ce que j’espérais, mais Carl Pineau m’a donné bien plus encore. Il aurait pu se contenter d’écrire (très, très bien écrire) un polar original, mais il y a ajouté une histoire d’amitié, d’amour(s) aussi, et des valeurs, beaucoup de valeurs. Un premier roman admirable, qui mérite sa place en tête de toutes les gondoles. J’attends Le Sicilien avec impatience.

    29/05/2018 à 15:12 Root (14 votes, 7.5/10 de moyenne) 1